L’agression russe et la résilience du peuple ukrainien vont changer la donne en Europe pour plusieurs décennies. Une des conséquences déjà visibles, c’est la course au réarmement de l’Occident. L’Allemagne annonce des dépenses militaires pour 100 milliards d'euros pour atteindre 2% du PIB et ceci après de longues années de stagnation des budgets des armées. L’Otan et les pays européens vont suivre la manœuvre.
Qu'en est-il de la Suisse?
Les discussions au parlement (Conseil des États et Conseil national) ont aussi commencé à Berne et certains politiciens se profilent déjà. Mais ne devrions-nous pas en premier lieu élaborer une nouvelle stratégie de défense basée sur ce que l’on peut apprendre de la résistance ukrainienne. En effet, avant l’entrée des Russes sur sol ukrainien, on parlait de l’armée russe comme la première au monde, d’une blitz-guerre, d’un rapport asymétrique, de cyberguerre, etc. Il n’en fut rien. Un peuple héroïque, trois armes portables et une logistique d’approvisionnement en armes ont fait la différence: les drones kamikazes (Switchblade de AeroVironment), les missiles anti-char (Javelin) et les missiles sol-air (Stinger). Toutes ces armes sont utilisables de manière flexible, rapide et en tout lieu par des commandos.
Localement il est possible de vaincre un envahisseur global
Xavier Comtesse
Les ukrainiens ont arrêté une grande armée. Cela devrait nous faire réfléchir et envisager de nouvelles stratégies pour de petits pays comme le nôtre. Et le mot-clé dans ce cas est: RÉSILIENCE. Ce qui d’un point de vue militaire veut dire résister au mieux à l’offensive avant de reprendre les positions d’avant… et qui n’a rien avoir avec la stratégie suisse de la seconde guerre mondiale symbolisée par le mot: RÉDUIT NATIONAL (en gros un repli dans les Alpes et on oublie le reste). D’ailleurs notre armée ne tiendrait pas plus que quelques jours tellement elle n’est pas équipée pour une guerre moderne selon Albert A. Stahel, professeur en stratégie militaire à l'Université de Zurich et cité par Le Matin le 20 mars dernier.
Avec une telle vision, on voit bien que l’armée suisse doit complètement se réorganiser d’abord en plus petites unités avec des armes portables mais aussi avec des unités très spécialisées pour la cyberguerre, la logistique et l’usinage des armes, etc.
C’est ce dernier point qui devrait être débattu: «le développement d’une industrie des drones et des missiles» comme priorité nationale. D’autres pays y sont parvenus comme la Turquie et Israël. Pourquoi pas nous? C’est aujourd’hui provocateur de le dire mais demain ce sera une évidence. Il n’y a pas tellement de choix. Il nous faut notre propre industrie de soutien.
Pour y parvenir l’armée suisse devrait disposer d’une agence pour le développement des armes du futur, basée sur le modèle américain DARPA (Defense Advanced Research Projects Agency) qui disposerait d’un budget important. Ceci a permis aux Etats-Unis d’inventer sans cesse les armes de demain.
La guerre lancée par les Russes marque un tournant historique. Plus rien ne sera comme avant: car localement il est possible de vaincre un envahisseur global (nouvelle théorie du Glocal en stratégie militaire).