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Le livre, écologique presque par définition

Une fois produit, un ouvrage ne consomme plus rien et peut être lu par de nombreuses personnes sur une longue durée. Par René Longet

«Un livre neuf sur cinq est retourné aux frais de l’éditeur par les libraires et un sur sept finit au pilon, c’est-à-dire se verra converti en papier recyclé avant même d’avoir été lu.»
KEYSTONE
«Un livre neuf sur cinq est retourné aux frais de l’éditeur par les libraires et un sur sept finit au pilon, c’est-à-dire se verra converti en papier recyclé avant même d’avoir été lu.»
René Longet
Expert en développement durable
09 mai 2023, 18h30
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Parmi les objets de notre quotidien, le livre* a de la chance: sa performance écologique est bonne presque par définition. Certes, réaliser un livre présente, comme toute chose, une charge environnementale. Mais une fois produit, il ne consomme plus rien, sauf un peu d’espace pour son stockage et il peut être lu par de nombreuses personnes sur une longue durée.

Il s’ajoute que culturellement, c’est un des biens qu’on hésite le plus à jeter, comme si l’on avait une sorte de respect pour lui; on le retrouvera bien plus souvent dans la boîte d’échange du quartier qu’au fond de la benne du vieux papier.

Néanmoins, on peut encore améliorer son écobilan. Divers leviers s’offrent: les modes de production du bois et du papier, ou encore le taux de papier recyclé incorporé, sachant que le réemploi de la fibre de papier est limité à quelques cycles. On peut aussi agir sur le type d’encres et les modalités d’impression. Mais le plus important est de ne pas produire au-delà des besoins; c’est aussi là qu’économie et écologie se rejoignent.

Selon des chiffres portant sur le marché du livre français, un livre neuf sur cinq est retourné aux frais de l’éditeur par les libraires et un sur sept finit au pilon, c’est-à-dire se verra converti en papier recyclé avant même d’avoir été lu.

Après la «slow food», peut-être faudrait-il lancer le «slow book»? Moins c’est certainement mieux, il se vendra mieux et atteindra davantage son public.

Pour ajuster au mieux la production à la demande prévisible, une concertation entre éditeurs s’impose. Car aujourd’hui, dès qu’un sujet est à la mode, beaucoup d’entre eux courent au-devant d’une demande qu’ils escomptent prometteuse et inondent le marché d’ouvrages fort semblables, qui ne manqueront pas de se cannibaliser. Vouloir être présent sur les créneaux porteurs de l’actualité immédiate comporte inévitablement le risque du trop vite fait et du vite démodé – faisant du livre un produit éphémère proche de la catégorie du prêt-à-jeter.

D’ailleurs le besoin de s’exprimer par le livre semble parfois plus grand que le désir d’acheter des livres – puis de les lire ensuite. Il est même possible que dans certains domaines il y ait davantage d’auteurs que de lecteurs… Dès lors, que les éditeurs soient plus restrictifs serait une excellente chose. Après la «slow food», peut-être faudrait-il lancer le «slow book»? Moins c’est certainement mieux, sera mieux reçu, se vendra mieux et atteindra davantage son public.

Mais l’écologie du livre c’est aussi l’écologie par le livre. Depuis qu’on parle plus largement de ce sujet, soit depuis un bon demi-siècle, d’innombrables ouvrages en ont défriché pratiquement tous les aspects. Mais là aussi l’offre est pléthorique, redondante, décourageante et ce serait vraiment judicieux que les éditeurs signalent à leur public ce qui relève de l’essai et du manifeste et ce qui est un ouvrage documentaire, à vocation didactique et à l’éthique scientifique. Car le sujet est aussi marqué par maintes polémiques, batailles de chiffres et affirmations péremptoires qui contribuent plus à la confusion du public qu’à son information.

* Résumé de propositions faites par l’auteur aux Assises de l’édition sur L’écologie du livre, Salon du Livre de Genève, 24 mars 2023.