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Le droit des successions se modernise

Par Erin Mueller et Soizic Mendes de Leon

Erin Mueller
Pictet Wealth Management - Avocate
Soizic Mendes de Leon
Pictet Wealth Management - Responsable Wealth Planning, Suisse
11 mars 2021, 17h57
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En un siècle, le mode de vie de notre société s’est profondément transformé. L’augmentation de l’espérance de vie et la diminution des inégalités entre hommes et femmes ont par exemple influencé l’organisation de nos relations personnelles et familiales. La prépondérance du modèle traditionnel fondé sur le mariage a elle décliné au profit d’unions libres et de familles monoparentales ou recomposées.

Malgré ces changements, le droit suisse des successions n’a que peu évolué depuis sa création en 1912. Les règles de partage définies selon les modèles familiaux de l’époque s’appliquent encore.

Lorsqu’une personne décède sans avoir rédigé de testament, le partage de la succession s’établit selon la composition familiale. Si la personne décédée est mariée et a des enfants, son conjoint hérite de la moitié de la succession et ses enfants de l'autre moitié. Si cette personne est célibataire ou veuve, ses enfants héritent de la totalité. Si elle est mariée mais sans enfant, son conjoint reçoit l’entier de la succession ou les trois-quarts si les parents du défunt sont en vie. Si celle-ci n’a ni conjoint, ni enfant, ce sont alors ses parents qui héritent.

En revanche, si la personne disparue avait un partenaire de vie, ce dernier n’a droit à aucune part dans la succession, peu importe la durée de la relation.

Par testament, une personne peut s’écarter de ces règles de partage pour favoriser l’un de ses héritiers ou léguer une partie de sa fortune à d’autres membres de sa famille, des personnes sans lien de parenté ou des institutions. La loi limite toutefois cette possibilité: certains héritiers doivent recevoir une part incompressible de l'héritage qui ne peut pas être diminuée. Il s’agit d’une fraction du droit de succession légal appelée réserve héréditaire. Une fois attribuée, le reste du patrimoine, la quotité disponible, peut être librement réparti.

En l’état, les héritiers protégés sont les descendants, le conjoint et les parents en l’absence de descendants. Pour les descendants, la réserve héréditaire est de trois-quarts du droit de succession légal, de moitié pour le conjoint et pour les parents.

Par exemple, une personne mariée avec des enfants peut disposer librement de trois-huitièmes de sa succession car la part légale de son conjoint est d’un quart et celle de ses enfants de trois-huitièmes. Une personne célibataire ou veuve avec enfants peut disposer d’un quart de sa succession, les trois-quarts revenant à ses enfants.

Une personne mariée sans enfants peut disposer de la moitié de sa succession, l’autre moitié revenant à son conjoint et à ses parents s’ils sont encore en vie.


Ces nouvelles règles, qui devraient entrer en vigueur le 1er janvier 2022, s’appliqueront à chaque succession ouverte après cette date

Conscient que ce mode de partage ne correspond plus au souhait de nombreuses personnes, le Parlement a défini, en décembre dernier, de nouvelles règles de répartition. La réserve héréditaire des descendants sera réduite de trois-quarts à la moitié du droit de succession, et celle des père et mère supprimée. La réserve du conjoint sera maintenue à la moitié.

Une personne pourra ainsi attribuer sa succession plus librement, en décidant par exemple de favoriser davantage un partenaire de vie ou les enfants de celui-ci, ou le successeur d’une entreprise familiale. Ainsi, une personne mariée avec enfants pourra librement attribuer la moitié de sa succession, contre trois-huitièmes actuellement.

Par contre, cette réforme ne modifiera pas le traitement fiscal de la succession qui demeurera du ressort des cantons. Bien que pouvant recevoir une part plus importante d’une succession, un héritier sans lien de parenté ou d’alliance avec le défunt devra dans la plupart des cantons payer des droits de succession élevés.

Ces nouvelles règles, qui devraient entrer en vigueur le 1er janvier 2022, s’appliqueront à chaque succession ouverte après cette date, même si un testament prévoyant un partage spécifique a été rédigé avant. Comme le nouveau droit donne une plus grande latitude de partage, il serait opportun de revoir les dispositions testamentaires existantes pour s’assurer qu’elles correspondent encore à la volonté de celui qui les a formulées et qu’elles ne susciteront pas de difficultés d’interprétation au vu des nouvelles règles.