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Le coup de la panne

L'urgence électrique s'impose, mais la Suisse n'est pas encore prête. Par Philippe Miauton

«Pour donner un exemple parlant de cette politique de beau temps dans le canton de Vaud, on peut citer le moratoire imposé pour des sondages de poches importantes de gaz présent au bout du lac.»
Keystone
«Pour donner un exemple parlant de cette politique de beau temps dans le canton de Vaud, on peut citer le moratoire imposé pour des sondages de poches importantes de gaz présent au bout du lac.»
Philippe Miauton
Chambre vaudoise du commerce et de l’industrie (CVCI) - Directeur
10 juin 2022, 7h30
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«Les emmerdes, ça vole toujours en escadrille», disait Jacques Chirac, avec son fatalisme corrézien. Dans le domaine de l’énergie en Suisse, c’est malheureusement l’impression qui règne. L’hiver qui s’annonce s’avère déjà estampillé «drapeau orange». Et dans la bouche des spécialistes, les mots pénuries ou, pire, blackout, ne sont plus tabous.

Logique! Mettez dans une même marmite des prix de l’électricité qui ont déjà largement augmenté… et le pire reste à venir, un approvisionnement compromis de gaz en raison de la crise ukrainienne, une dépendance à la capacité d’exportation de nos voisins, un parc nucléaire suisse vieillissant – entendez soumis aux aléas des pannes –, ainsi qu’une exclusion de notre pays des mécanismes de solidarité énergétique européens: au final, le cocktail a de quoi se révéler explosif pour les entreprises et les ménages.

Comment a-t-on pu en arriver là en Suisse, pourtant château d’eau de l’Europe? Il y a quelques années, sortir du nucléaire paraissait volontariste. Aujourd’hui, les stratégies de remplacement ne sont pas lisibles. Résultat, on achète du nucléaire français ou du charbon allemand.

Pour donner un exemple parlant de cette politique de beau temps dans le canton de Vaud, on peut citer le moratoire imposé pour des sondages de poches importantes de gaz présent au bout du lac. Les blocages jusqu’au-boutistes sur les surélévations de certains barrages montrent les limites entre realpolitik et visions contradictoires d’activistes. Enfin, l’abandon de l’accord-cadre par le Conseil fédéral révèle ses conséquences néfastes. Last but not least, après avoir prôné le photovoltaïque depuis une dizaine d’années, on se réveille aujourd’hui tout étonnés qu’il manque cruellement de techniciens qualifiés.

De nombreuses solutions passeront par l’innovation dont font preuve certaines entreprises

Philippe Miauton

Cette convergence de ratés doit être maintenant aplanie. Les crises actuelles nous rappellent que la sécurité d’approvisionnement et une certaine autonomie énergétique se trouvent au sommet de la pile des priorités politiques. Tout n’est pas totalement sombre: le Conseil fédéral dispose d’une base légale pour s’assurer que les propriétaires de barrages gardent en réserve suffisamment d’eau pour passer l’hiver, pour autant que les Chambres l’avalisent. Et de nombreuses solutions passeront par l’innovation dont font preuve certaines entreprises. A commencer par une première usine de «power-to-gas», qui produit de l’hydrogène puis du méthane à partir d’électricité, de CO2 et de déchets verts d’usines de son voisinage.

Pendant ce temps, la commission de l’électricité (ElCom) devrait en théorie jouer le rôle de surveillant de la production, des achats et, finalement, de la consommation. En lieu et place, cette commission nous a gratifiés d’un communiqué nous annonçant la bouche en cœur: «Tarifs plus élevés et situation d’approvisionnement incertaine»…  

L’urgence électrique s’impose aujourd’hui et le coup de la panne ne convaincra personne.