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Le charbon ou le nucléaire?

La crise énergétique nous donne le sentiment de se retrouver dans la situation classique du choix entre la peste et le choléra. Par Jacques Neirynck.

Le monde a changé depuis la locomotive à vapeur. Plus de 2400 centrales à charbon dans 79 pays sont en service.
KEYSTONE
Le monde a changé depuis la locomotive à vapeur. Plus de 2400 centrales à charbon dans 79 pays sont en service.
Jacques Neirynck
Ancien conseiller national
06 septembre 2022, 14h29
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La panique engendrée par la subite pénurie de gaz a suscité une réflexion sur l’abandon du nucléaire. Il est cependant manifeste que ce dernier ne résoudra en rien la crise immédiate. Il faut vingt ans pour construire une centrale nucléaire au prix d’un investissement que peu d’entreprises sont disposées à consentir dans l’état d’incertitude actuel.

Un seul parti, l’UDC, soutient actuellement une initiative populaire visant à lever l’interdiction, depuis la votation de 2017, de construire de nouvelles centrales nucléaires en Suisse. La rédaction en est prudente. Le mot nucléaire n’y figure pas mais «toute forme de production d’électricité respectueuse du climat est autorisée».

La mémoire de Tchernobyl et de Fukushima se dissipe peu à face à la menace urgente d’une pénurie d’électricité et de gaz. Des experts improvisés affirment que la technique aurait fait tellement de progrès que le risque de fusion du cœur n’existerait plus. En fait, personne n’en sait rien car la sécurité d’une installation industrielle ne peut s’évaluer qu’à l’usage. Les erreurs commises à Tchernobyl et de Fukushima ne se reproduiront pas à l’identique. Mais il faut tenir compte d’une constatation évidente: toute installation technique peut subir un incident imprévu, précisément parce qu’il n’avait pas été imaginé.

Le cas de la Suisse est particulier car les centrales sont implantées dans une région fortement peuplée

Jacques Neirynck

Le cas de la Suisse est particulier car les centrales sont implantées dans une région fortement peuplée. Si Mühleberg avait subi ce type d’accident, il aurait fallu évacuer définitivement un cercle de 30 kilomètres de rayon, soit Berne, Fribourg, Neuchâtel et Bienne. Un accident majeur des trois centrales en fonctionnement pourrait contaminer Zurich ou Bâle en ruinant le pays. L’ampleur du risque est donc énorme même si sa probabilité est assez faible, de l’ordre de 1 à 2%. Un seul accident majeur où que ce soit dans le monde déconsidérerait le nucléaire à jamais. Il s’agit donc d’une option politique et économique risquée.

L’autre terme de l’alternative est la production d’électricité à partir du charbon. Le monde, qui compte plus de 2400 centrales à charbon dans 79 pays, pour un total de près de 2100 gigawatts (GW) de capacité de production, envisage encore d’augmenter de 457 GW sa capacité de production électrique via de nouveaux projets de centrales à charbon. Leur inconvénient est évidemment la production de CO2 entraînant une accélération de la transition climatique. On a le sentiment de se retrouver dans la situation classique du choix entre la peste et le choléra.

Pour en sortir, il faut se placer dans une perspective à long terme, de plusieurs décennies. Il apparaît alors que les besoins en énergie ne peuvent durablement être satisfaits que par le renouvelable, à savoir le solaire sous toutes ses formes et la géothermie.

Toutes les autres ressources constituent un prélèvement sur capital qui épuise celui-ci de façon irréversible. Au fil du temps l’exploitation de ce capital devient de plus en plus coûteuse, donne lieu à des chantages politiques, entretient une instabilité politique qui peut susciter des conflits armés. Il n’y a pas une alternative charbon-nucléaire car c’est deux fois la même solution avec des inconvénients différents mais toujours réels.