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L’abolition de la valeur locative s’engage enfin

Le Parlement prépare la suppression du système actuel d’imposition du logement. Une bonne nouvelle. Par Jacques Neirynck

Selon le texte en discussion à Berne, «la valeur locative est supprimée, même pour les résidences secondaires. En contrepartie, les frais d’entretien ne sont plus déductibles.»
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Selon le texte en discussion à Berne, «la valeur locative est supprimée, même pour les résidences secondaires. En contrepartie, les frais d’entretien ne sont plus déductibles.»
Jacques Neirynck
Ancien conseiller national
19 juin 2023, 15h00
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Le Conseil national a adopté mercredi passé un nouveau système d’imposition du logement. La valeur locative est supprimée, même pour les résidences secondaires. En contrepartie, les frais d’entretien ne sont plus déductibles. La loi doit encore passer le cap des Etats, puis sans doute celui d’une votation populaire. La partie n’est pas encore gagnée mais elle est enfin engagée.

Un propriétaire qui habite dans son propre bien immobilier déclare la valeur locative comme revenu imposable. Néanmoins, ce revenu n’a pas été perçu; il est calculé à partir de la valeur locative théorique du bien immobilier, correspondant de 60% à 70% du montant qu’un locataire aurait à payer par an.

Pourquoi imposer un revenu inexistant? La valeur locative est considérée comme un revenu en nature. Cela signifie que le propriétaire ne perçoit pas de revenu sous forme de loyer, mais qu’il réalise néanmoins un bénéfice en habitant lui-même dans son bien immobilier. Comme chaque individu doit se loger, vivre dans sa propre maison représente une économie, car on ne paie pas de loyer.

L’origine de la valeur locative remonte à plus de cent ans. L’impôt a été introduit pendant la Première Guerre mondiale, comme impôt de guerre extraordinaire. La Confédération l’avait instauré pour compenser les droits de douane, qui avaient chu en raison de la guerre. Le Conseil fédéral le réintroduisit en 1934 après la crise économique de 1929 par droit d’urgence pour assainir le budget fédéral.

En dehors de ces finalités budgétaires, la valeur locative a un aspect social aussi bien dans sa motivation que dans ses effets. La Suisse se caractérise par une paix sociale qui repose sur une solidarité de toutes les couches de la population, contrastant avec les conflits graves de la France voisine. C’est une manifestation de la volonté de vivre ensemble et cela est positif.

La Suisse, pays riche, souffre d’une pénurie perpétuelle de logement à louer par suite d’un mécanisme pervers.

Jacques Neirynck

Mais les effets le sont moins. La valeur locative freine évidemment la volonté d’acquérir son domicile. La Suisse est un pays de locataires: représentant 58% de la population, ceux-ci sont majoritaires. Ailleurs en Europe, les propriétaires d’un bien immobilier sont majoritaires, même en Allemagne, où leur proportion, plus de 50% est la plus faible. En Europe, le taux de propriétaires atteint généralement deux tiers.

Or la possession de son logement devrait être un droit, celui de se sentir en sécurité, celui de l’aménager à son goût, celui de se sentir tout à fait chez soi qui a une valeur psychologique indubitable. Le droit à la propriété encourage à faire des économies et constitue une forme de constitution de pension. La valeur locative détruit ce droit lorsque des retraités disposant de peu de moyens sont obligés de vendre leur logement faute de pouvoir en payer l’imposition.

Il y a pire. La Suisse, pays riche, souffre d’une pénurie perpétuelle de logement à louer par suite d’un mécanisme pervers. Une majorité de locataires fait pencher la balance législative de leur côté par un effet purement mécanique. La protection des locataires dissuade évidemment d’investir dans la construction, moins rentable.

C’est pourquoi le droit prédominant de louer se retourne contre les locataires: s’ils ont un logement, ils sont protégés; s’ils doivent y accéder, ils sont prétérités.