Les taux d’intérêt remontent, les hypothèques coûtent plus cher et les logements à prix abordable se raréfient. C’est la lamentation pérenne des médias sur la pénurie de logement. Et en sourdine la mise en accusation des travailleurs étrangers, bien payés, qui font monter les loyers.
La Suisse est un pays de locataires. C’est aussi un pays riche gouverné par la démocratie directe. Et cependant un pays où la pénurie de logements est permanente. Quand on met tout cela ensemble, cela donne ceci: il y a assez d’argent pour construire, mais ceux qui n’ont pas de logement ne le possèdent pas, cet argent. Ils restent donc locataires. Mais comme ils sont les plus nombreux et qu’ils peuvent influencer la loi directement, ils se prononcent pour la protection des locataires.
La gauche est ravie de maintenir le citoyen dans son triste statut de locataire sans appartement, car dès qu’un citoyen est propriétaire il se met à voter à droite
Jacques Neirynck
Cela signifie en clair que les loyers ne peuvent pas être «abusifs», c’est-à-dire aussi élevés qu’ils le seraient si le marché de la location était libre. Dès lors, les loyers sont trop bas pour rémunérer les investissements. Et ceux qui disposent des capitaux ne les investissent pas dans la construction de logements. En revanche, il y a pléthore de bureaux et de surfaces commerciales.
Comme les locataires n’ont aucun espoir d’accumuler suffisamment d’économies pour constituer un apport personnel significatif, ils ne construisent jamais leur propre maison. Ils dépensent le petit peu du pouvoir d’achat disponible en biens de consommation, en matériel de ski ou d’informatique, en voyages et en restaurants. Tout cela est bénéfique pour le commerce de gaspillage.
L’économie suisse est donc satisfaite de cette situation. La gauche est ravie de maintenir le citoyen dans son triste statut de locataire sans appartement, car dès qu’un citoyen est propriétaire il se met à voter à droite. Dès lors que tout le spectre politique se réjouit de cette situation, il n’y a aucune raison que cela change.
Le jour où les propriétaires constitueront la majorité des Suisses, comme c’est le cas déjà dans les pays voisins, la défense aveugle des locataires cédera le pas à un marché ouvert, où l’offre s’ajustera à la demande. C’est de l’économie rudimentaire. Mais la politique politicienne a des raisons que l’économie ne connaît pas.
Il est tellement plus gratifiant pour le citoyen électeur de ne pas économiser et de ne pas se lancer dans le remboursement d’une lourde hypothèque. Et cela épargne même des impôts parce que les propriétaires sont taxés sur un revenu locatif fictif qu’ils ne touchent pas. Au fond, ils sont coupables de n’être pas comme la majorité du peuple. Ils sont punis parce qu’ils ont économisé et qu’ils n’ont pas dépensé. Cela s’appelle la relance par la consommation.
Certains appellent cela une exigence de l’économie, mais ce n’est pas la même économie que celle qui prône d’économiser vraiment: c’est l’économie du gaspillage, la coexistence des contraires. Cette situation pourrait faire l’objet d’une démarche parlementaire pour revenir à un marché plus sain. Mais la conspiration des lobbys empêche toute velléité. Il y a au parlement des sujets qu’il vaut mieux ne pas aborder pour éviter de se faire prendre pour un naïf.