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La vieillesse de l’Ancien Monde

Il fut un temps où l’Empire français et le Royaume-Uni gouvernaient le monde. Aujourd’hui, l’Europe décline et doute d’elle-même. Par Jacques Neirynck

Fut-ce une bonne idée de susciter la mondialisation, de créer les Nations unies, d’ériger un droit international? Peut-être le plus important n’est que la force pure et simple, la somme des drones et des blindés.
KEYSTONE
Fut-ce une bonne idée de susciter la mondialisation, de créer les Nations unies, d’ériger un droit international? Peut-être le plus important n’est que la force pure et simple, la somme des drones et des blindés.
Jacques Neirynck
Ancien conseiller national
02 août 2023, 10h00
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La première guerre de Crimée opposa de 1853 à 1856 l’Empire russe à une coalition formée de l’Empire français et du Royaume-Uni et s’acheva par sa défaite. C’était du temps où ces deux nations gouvernaient le monde. En 1900, elles en possédaient la plus grande partie au titre de la colonisation, réputée une œuvre pie de civilisation qui autorisait l’exploitation. Aujourd’hui ce Vieux Monde vieillit de plus en plus, perd de sa force et doute de lui-même.

Le Vieux Monde est fatigué par l’accumulation des siècles. Jadis il était le centre technique et scientifique du monde. Depuis près d’un siècle celui-ci a glissé aux Etats-Unis et il continue sa dérive vers l’Asie. La Chine démontre insolemment qu’une dictature peut accroître le pouvoir d’achat de ses citoyens. La carence économique de la Russie soviétique ne tenait donc pas à son régime politique, mais à l’idéologie marxiste et à la nonchalance slave. Les institutions sont moins importantes que la culture. En croissance ou en décadence les idées comptent.

Si donc l’Europe décline, il faut en chercher les causes dans l’esprit qui l’animait et qui a disparu. Jadis certains missionnaires européens abandonnaient tout pour sauver les âmes des Africains; aujourd’hui des prêtres africains viennent combler les lacunes du clergé européen. La mission, le dynamisme, la conviction ont changé de camp. Mais ce n’est que la partie visible, la plus spectaculaire du phénomène. Dans tous les domaines, l’Europe subit l’histoire dont elle fut longtemps l’acteur principal.

L’abandon des énergies fossiles ne se concrétise pas

Son plus grand souci devrait être la transition climatique et la pénurie d’énergie. Cette année des intempéries inédites commencent à démontrer la rigueur de la crise qui s’annonce. Or la mesure fondamentale d’abandon des énergies fossiles ne se concrétise toujours pas. Les colloques abondent, des objectifs ambitieux sont d’autant plus aisément fixés que l’on sait en cachette qu’ils ne seront pas tenus. Corollaire du réchauffement et de la sécheresse en Afrique, des milliers de ses habitants s’efforcent de se réfugier eu Europe, qui ne peut les refuser au nom de ses grands principes et qui subit de ce fait une dérive droitière.

Les questions les plus gênantes affluent. Fut-ce une bonne idée de susciter la mondialisation, de créer les Nations unies, d’ériger un droit international? Peut-être le plus important n’est que la force pure et simple, la somme des drones et des blindés. Peut-être que le Droit n’est que l’alibi des faibles, une façon de se consoler pour les vaincus. Être vraiment vieux, c’est non seulement tout perdre mais finir par admettre que c’est juste et bien.

Et la Suisse dans tout cela? Elle est la plus européenne des nations par sa culture multiple, au point de refuser obstinément de faire partie de l’UE. Son plus grand parti prône le retrait dans les frontières, l’exclusion des immigrants, le culte du passé. Dans sa bulle, le pays ne craint rien plus que de devoir en sortir, comme ces handicapés rassurés de se trouver dans l’EMS qu’ils connaissent. Dans une Europe en perte de vitesse, la Suisse se fie à la force d’inertie.