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La Suisse est-elle si innovante qu’on le dit?

Les classements du WEF, de l'IMD ou de l'OCDE méritent d'être lus avec une certaine distance. Par Xavier Comtesse

«On compare des pays de taille très différente et des secteurs différents comme la pharma et l’automobile. Si vous êtes un tout petit pays avec un fort secteur pharmaceutique… vous êtes forcément devant tout le monde.»
Keystone
«On compare des pays de taille très différente et des secteurs différents comme la pharma et l’automobile. Si vous êtes un tout petit pays avec un fort secteur pharmaceutique… vous êtes forcément devant tout le monde.»
Xavier Comtesse
Manufacture Thinking - Mathématicien et président
29 mars 2022, 14h08
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La Suisse se vend fièrement comme le pays le plus innovant au monde. Malheureusement cela ne veut pas dire grand-chose, car les statistiques sont calculées par tête d’habitant et tout secteur confondu!

Explications.

Les comparaisons annuelles du WEF, de l’IMD, de l’OMPI ou de l’OCDE placent la Suisse dans le peloton de tête des nations les plus innovantes. Mais il faut comprendre deux choses derrière ces chiffres. D’une part, on compare des pays de taille très différente comme par exemple la Chine avec la Suisse et, d’autre part, des secteurs différents comme la pharma et l’automobile. Tout cela entraîne une confusion car si vous êtes un tout petit pays avec un fort secteur pharmaceutique… vous êtes forcément devant tout le monde. C’est mathématique. Il n’y a aucune gloire à tirer de cela.

La Suisse, un pays du perfectionnement mais qui a horreur du risque… donc on dépose des brevets pour se protéger

Xavier Comtesse

Prenons un exemple pour étayer cet argument. L’année dernière sur les environ 280.000 demandes de brevets déposés auprès de l’OMPI seuls 5300 étaient suisses! C’est finalement peu, ce d’autant plus que la pharma suisse comme Roche et Novartis sont des gros dépositaires de brevets! Donc quid d’un pays si innovant.

On pourrait changer de taille et se comparer avec des régions dites très innovantes comme San Francisco ou Séoul. Cela a été fait dans un rapport publié par la Confédération («La recherche et l‘innovation suisses en comparaison internationale»). Le rapport conclut que l’on ne serait plus que la 9e région au monde en termes de dépenses en R&D sur 21 régions analysées. On ne serait plus sur le podium de l’innovation… et même pas de diplôme comme aux jeux olympiques!

Plus encore, on peut lire dans ce rapport: «Dans la baie de San Francisco, les dépenses de recherche et développement (R&D) des entreprises s’élèvent à 8,7% du PIB. Séoul, Tokyo et Seattle arrivent à près de 5%. Dans le Bade-Wurtemberg, les dépenses de R&D des entreprises se montent à 4% de la performance économique de la région… Comparée à ces régions, la Suisse est nettement en retrait, les dépenses de R&D des entreprises s’élevant à 2,3 % du PIB» – cela fait tout de même près de 3 fois moins que les Californiens!

Bref, on voit bien que l’on se fait tous «enfumer» par des politiques qui, quand ils brandissent ces chiffres, dont ils ignorent la portée, tentent de vanter des vertus suisses inexistantes.

Non la Suisse n’est pas si innovante que cela. Alors au juste comment la définir?

On pourrait dire que c’est un pays du perfectionnement mais qui a horreur du risque… donc on dépose des brevets pour se protéger. Quant à la perfection, elle est portée à son paroxysme… ce qui nous permet d’avancer à petit pas, sans trop prendre de risque

Voilà une vision au plus près de la réalité statistique.

La conclusion est qu’il faut savoir lire les données et les interpréter correctement et surtout éviter des déclarations intempestives, car cela va finir par se savoir et on va non seulement reculer dans les classements internationaux mais également appauvrir le pays. Le risque est grand d’occulter la réalité!