La Suisse est un des pays avec le plus grand solde de fortune investie à l’étranger. La différence entre les avoirs détenus par les Suisses hors de nos frontière et les engagements envers les créanciers étrangers – la «position extérieure nette» – atteint 90% du PIB annuel.
Ce solde est toutefois plus faible que nous le pensions jusqu’à récemment. La Banque Nationale Suisse a en effet substantiellement révisé les chiffres dans la statistique du 3e trimestre. La figure ci-dessous montre l’évolution de la position extérieure nette depuis 2000 selon les derniers chiffres (ligne rouge), ainsi que selon l’édition précédente de la statistique (ligne bleue, jusqu’au second trimestre 2020). La mise à jour entraine une réduction entre 150 et 200 milliards depuis 2016, soit environ un quart du PIB. En outre, la position nette par rapport au PIB montre maintenant une certaine tendance à la baisse, ce qui n’était pas le cas auparavant.
Qu’est-ce qui se cache derrière ce changement? Il illustre bien la difficulté de rendre compte au mieux des actifs et passifs liés aux entités suisses de groupes internationaux, comme l’explique la BNS en détail. La figure ci-dessous décompose la révision de la position nette totale (ligne noire) entre les avoirs détenus par des multinationales (investissements directs, ligne bleue), les investissements dits de portefeuille (actions et obligations, ligne rouge) et les autres catégories (ligne verte). Le changement reflète deux composantes: une révision des positions en actions et obligations depuis 2008, reflétant quasi-exclusivement les actions, et une révision des investissements directs depuis 2014.
Une analyse plus détaillées montre que ces changements portent principalement sur les passifs de la Suisse envers l’étranger. Les figures ci-dessous reprennent la décomposition du total entre les trois catégories pour les actifs de la Suisse (à gauche) et les passifs (à droite). Les révisions des passifs reflètent les ajustements portant sur la domiciliation des entités de groupes internationaux.
Qu’en est-il de la balance des paiements ?
Les chiffres de la position extérieure nette nous montrent l’état de la fortune de la Suisse envers l’étranger à un moment donné. Une statistique complémentaire est la balance des paiements qui montre les flux de transactions transfrontalières.
Le flux net pour l’ensemble des transactions financières correspond aux solde des échanges commerciaux et des revenus de capitaux et du travail (la correspondance n’est en fait pas exacte du fait d’imprécisions statistiques). Nous pouvons examiner si une révision est aussi observée à ce niveau-là.
C’est bien le cas, quoique plus récemment. La figure ci-dessous montre le solde du compte courant, à savoir essentiellement la balance commerciale des biens et services, et le solde des paiements d’intérêts et de dividendes selon les chiffres publiés en décembre jusqu’au troisième trimestre (ligne rouge) et ceux publiés en septembre (ligne bleue). Si la Suisse est un des pays avec l’excédent le plus élevé dans les relations économiques avec l’étranger, ce solde a été révisé à la baisse sur les dernières années, et montre une certaine tendance en diminution récemment. Ce changement est quasi-exclusivement le fait d’une révision à la hausse des intérêts et dividendes que les multinationales étrangères perçoivent de leurs entités sises en Suisse. C’est donc une conséquence de la révision de la position nette décrite plus haut.
Que faut-il en conclure?
Si ces ajustements peuvent sembler intéressants surtout pour les férus de statistiques économiques (comme l’auteur de ces lignes), leur ampleur n’est pas négligeable et ils affectent notre compréhension des relations économiques internationales. En particulier, la taille grandissante des groupes multinationaux a une influence substantielle sur les statistiques au niveau d’un pays. Si ce n’est pas vraiment nouveau pour une petite économie ouverte, comme la Suisse ou L’Irlande, de récents travaux ont montré que cela devient un problème même pour les grands pays, y compris les Etats-Unis.
Switzerland's wealth is not what it used to be
Cédric Tille's Op-Ed in English is available here.