L’histoire économique retiendra de l’année 2022 comme marqueur nouveau: la fin de l’électricité bon marché. De même que les années 1973 et 1979 (crise pétrolière) avaient signifié la fin de l’essence bon marché… et ne l’oublions pas les années septante furent le début d’une réorganisation en profondeur de notre économie libre avec un chômage de masse en Europe, une délocalisation importante vers la Chine de l’industrie américaine (notamment des activités de fabrication) et une désindustrialisation conséquente dans toutes les régions occidentales. Ce fut un réveil brutal pour nos entreprises.
Aujourd’hui, cela va sans doute recommencer avec cette fois des prix de l’électricité qui prennent l’ascenseur (sans doute entre deux à cinq fois plus cher).
Nos Etats et nos entreprises vont devoir réagir vite si l’on ne veut pas revoir tout cela. Trois choix s’offrent aux entreprises et un seul aux Etats. D’abord les entreprises:
1) Rationaliser l’électricité
Cela veut dire faire d’abord la chasse aux gaspillages (régler les thermostats des chauffages, des chauffe-eau et des installations d’air conditionné, interrompre les éclairages de nuit, éteindre les machines et non seulement les mettre sur stand-by, remplacer les ampoules par des led (dix fois moins gourmandes), éviter de faire «chauffer» les machines-outils trop en avance, supprimer les cafetières et autres frigos qui pullulent dans les bureaux et ateliers, etc.). Ensuite changer les comportements (éteindre les lumières, chauffer moins, utiliser moins d’eau chaude, etc.) et enfin lors du renouvellement du matériel électrique rechercher systématiquement les plus performants (cf. les moins énergivores).
2) Produire et stocker en propre
Chauffage à distance ou pompe à chaleur sont recommandés pour le chauffage, mais en ce qui concerne l’électricité, il faudra produire par soi-même pour couvrir au mieux ses propres besoins. Ici, il n’y a pas le choix c’est le photovoltaïque qui répond le mieux aux besoins d’électricité. Attention, cependant, de choisir un système complet qui peut fonctionner hors réseaux avec notamment des batteries de stockage. L’indépendance a un coût mais la délocalisation aussi.
3) Délocaliser
Si toutefois votre entreprise ou votre usine est très dépendante de l’électricité (par exemple dans le traitement de surface ou l’aluminium) alors choisir un pays à bas coût électrique (et qui le restera) est un choix à envisager. Cependant la délocalisation porte des risques à considérer.
En discutant avec quelques industriels de Romandie, faisant partie du cercle «Manufacture Thinking», on se rend très vite compte de la soudaineté et de l’importance du problème. Le prix de l’électricité n’avait jamais été une préoccupation: elle était bon marché. Mais si les tarifs continuent de monter encore et encore, les coûts liés au prix de l’électricité deviendront un risque systémique pour beaucoup d’entreprises.
Le choix des Etats
C’est une question sérieuse, voire de survie et seule l’Allemagne avec un fonds de 200 milliards d'euros en a pris vraiment la mesure. Berne doit réagir et s’engager rapidement avec un fonds d’un minimum de 20 milliards de francs car il n’y a pas que Alpiq qui soit en danger de mort.
En suivant ainsi la politique de notre voisin, la Suisse répondra dans un premier temps à l’urgence de la situation (il faut éviter tout effondrement conjoncturel) mais bien sûr dans un second temps il faudra un réajustement structurel voir systémique.