Certains menacent de faire grève politique, au motif que l’égalité femmes-hommes n’est pas respectée. D’autres (quelquefois les mêmes) obstruent la voirie publique en se collant les mains au bitume, au nom de la crise climatique. Quand ce ne sont pas des militants de la même cause qui s’en prennent à des œuvres majeures, à coups de jets de purée ou de soupe. Ces actions ont en commun qu’elles sont illégales, mais aussi qu’aux yeux de leurs auteurs, leur cause les place au-dessus de la loi.
Contrairement à la croyance populaire, la grève n’est pas interdite en Suisse. Elle est cadrée, elle doit respecter certains principes. Une grève préventive ou politique sort ainsi du cadre légal. Entraver la circulation et empêcher les personnes de se rendre à leur destination n’est pas davantage légalement autorisé. Ce «détail» juridique n’empêche pas certains activistes de s’asseoir allégrement dessus.
La désobéissance civile, la bonne excuse
Au nom de causes certes nobles, ou à tout le moins parfaitement défendables, des militants s’arrogent le droit d’outrepasser la légalité pour mettre leur combat dans l’œil des médias. Et cela fonctionne! Les décisions ne vont pas assez vite et il y aurait urgence! Ce leitmotiv justifierait ces mouvements de désobéissance civile. Mais si l’action est bénéfique en termes de communication, le message est déplorable sur le plan de la démocratie. Il y aurait en effet une hiérarchie des causes, des passe-droits en fonction des thématiques que l’on défend. Aujourd’hui, on déprave ou on immobilise sans conséquence, au nom de certaines d’entre elles. Et demain, ce sera quoi?
En Suisse, nous avons un outil dont nous sommes fiers: la démocratie. Elle permet au citoyen suisse d’être davantage maître de son destin que n’importe quel autre citoyen au monde. La démocratie permet aux Suisses de s’exprimer sur leurs élus, bien sûr, mais aussi sur des sujets aussi hétéroclites que les HES, l’absinthe, la fiscalité des entreprises, la vitesse sur les autoroutes, la réforme des retraites ou les cornes des vaches.
Le rêve de grand soir
Notre système ne garantit certes pas une prise de décision rapide. De ce point de vue, la dictature est nettement plus efficace, c’est sûr. Mais c’est qu’il prend soin d’intégrer l’ensemble des acteurs au processus. Et c’est précisément ce qui fait sa force et qui le distingue des autres modèles. Les militants ont donc tout loisir de proposer des solutions constructives pour valoriser leur combat devant les urnes.
Il est vrai qu’il faut également un certain courage pour confronter ses idées au système démocratique, et donc à une majorité. C’est peut-être là que le bât blesse. Car derrière les combats de ces révolutionnaires de salon se cache souvent une idéologie politique qui vise la refonte profonde de notre modèle de société. On rêve du grand soir! Or, dans un pays certes perfectible, mais qui offre à de nombreux égards des conditions de vie parmi les meilleures au monde, il n’est pas certain que leur projet sociétal et politique rencontre une majorité. Réponse aux prochaines élections.