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La BNS à la peine dans sa maîtrise des risques climatiques

La Banque nationale néglige les effets du déréglement du climat sur ses placements. Par Pierre Monnin

Il est probable que la BNS s'expose «à plus de risques que ne le justifierait une stratégie de gestion conservatrice et prudente des risques de long terme.»
KEYSTONE
Il est probable que la BNS s'expose «à plus de risques que ne le justifierait une stratégie de gestion conservatrice et prudente des risques de long terme.»
Pierre Monnin
Council on Economic Policies (CEP) - Senior Fellow
06 janvier 2023, 7h00
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La Banque nationale suisse (BNS) va annoncer des pertes record pour 2022. En soi, ce résultat n’est pas un problème: son mandat n’est pas de générer des bénéfices, et les pertes de cette année sont sans conséquence pour sa capacité à maîtriser l’inflation. Les montants impliqués sont toutefois un bon rappel des risques financiers auxquels la BNS est exposée.

Maîtriser les risques pour les garder bas dans son bilan est une tâche fondamentale de toute banque centrale. Cette exigence inclut les risques financiers liés au changement climatique, qui sont conséquents actuellement sur les marchés financiers. Les banques centrales en sont bien conscientes.

En Europe et ailleurs, elles mettent en place des mesures pour les contenir dans leurs portefeuilles d’actifs. La BNS n’est pas dans le peloton de tête dans ce domaine. Elle gagnerait à s’inspirer des pratiques adoptées par les institutions à la pointe de la gestion de ces risques, pour mieux en garder le contrôle dans ses propres réserves.

Un contrôle essentiel

Une certaine prise de risques est parfaitement normale pour la BNS. Elle résulte naturellement de la mise en œuvre de sa politique monétaire et des mesures qu’elle prend pour garantir la stabilité du système financier. Pour accomplir cette tâche, il est toutefois unanimement recommandé aux banques centrales d’adopter une gestion prudente des risques financiers et de maîtriser leur niveau dans leurs portefeuilles. Un risque contenu et limité aide les banques centrales à mobiliser les ressources nécessaires en cas de crise financière et à préserver la valeur de leurs réserves pour renforcer leur crédibilité.

Les banques centrales se plient généralement à cette exigence. Il est commun pour elles, par exemple, de n’accepter que les titres financiers les plus sûrs pour leurs opérations monétaires. La BNS ne déroge pas à cette règle. Pour son portefeuille d’actions, elle a opté pour une allocation différente de celle des marchés boursiers. Elle place relativement moins dans les titres des petites et moyennes entreprises que dans les grandes, pour réduire le risque plus élevé généralement associé à ce type d’entreprises.

La nécessité d'une gestion appropriée

Depuis quelques années, les banques centrales ont porté une attention particulière aux risques financiers liés au changement climatique. Pour de bonnes raisons: ces risques sont matériels et largement répandus dans le bilan des institutions financières, banques centrales comprises. De plus, ils vont se matérialiser d’une manière ou d’une autre au cours des prochaines années.

Les institutions financières sont à la traîne en matière de gestion des aléas financiers liés au climat. La majeure partie des banques européennes, par exemple, ont été maintes fois mises en garde par les autorités de supervision sur leur gestion insuffisante de ces risques. Les exceptions, celles à la pointe de la gestion des risques climatiques, n’accordent qu’une importance limitée aux valeurs observées sur les marchés. Elles préfèrent mettre en place une gestion basée sur des informations prospectives plus à même d’anticiper des menaces climatiques qui n’ont encore jamais été observés à cette échelle.

La BNS derrière le peloton de tête

Les banques centrales sont bien conscientes des défis que les risques financiers liés au climat représentent pour la gestion du risque de leur bilan. Elles ont commencé à adapter leurs pratiques en la matière. Depuis l’année passée, par exemple, la Banque centrale européenne (BCE) réduit sa part d’obligations d’entreprises ayant de mauvaises performances climatiques afin d'atténuer ces risques dans son bilan. L’autorité monétaire de Singapour (MAS) a également changé la politique d’investissement de ses réserves de devises pour réduire son exposition aux risques climatiques.

La BNS n'est malheureusement encore à ce stade. Pour son portefeuille d’actions – soit un quart de ses réserves de devises – elle n’inclut aucun indicateur de risque climatique dans sa stratégie de placement. Cette méthode ne correspond pas à celle adoptée par les établissements financiers à la pointe de la gestion dans ce domaine. Il est donc probable qu’elle expose la BNS à plus de risques que ne le justifierait une stratégie de gestion conservatrice et prudente des risques de long terme.

La BNS gagnerait à s’inspirer des pratiques mises en œuvre par les institutions leaders dans ce domaine et à adopter une gestion basée en partie sur des indicateurs prospectifs de risque climatique. Cela réduirait son exposition générale aux risques financiers et renforcerait la solidité de ses réserves.

L'auteur est également Visiting Professor in Practice à la London School of Economics