La votation du 18 juin sur l’imposition minimale de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), qui imposera les grandes entreprises multinationales à 15% au moins, sera-t-elle un long fleuve tranquille? Difficile de le savoir. Si les délégués du PLR (unanimité) et du Centre (une seule voix contraire) l’ont approuvé massivement, ceux du Parti socialiste ont décidé à deux tiers des voix de rejeter le projet.
Lors des débats parlementaires, les représentants du PS n’avaient pratiquement exprimé que des critiques à l’endroit du projet et l’avaient très majoritairement rejeté en votation finale. Toutefois, par la suite, le comité directeur du parti a estimé qu’il valait mieux laisser la liberté de vote, au vu du risque qu’un rejet soit mal compris. En effet, le projet de l’OCDE entraînera une hausse de l’imposition des grandes sociétés internationales en Suisse, ce que la gauche réclame depuis des années. S’y opposer en votation est problématique.
Les officiels du PS tentent de corriger en disant qu’ils ne combattent pas l’imposition minimale. Ils expliquent qu’elle est actée et que les sociétés concernées paieront plus d’impôts. C’est assez juste, mais si la Suisse n’applique pas elle-même cette réglementation, ce sont d’autres Etats qui encaisseront l’impôt manquant. Ainsi, si une société suisse s’acquitte de 13% d’impôt, les 2% manquants pourront être prélevés dans un autre pays sur une entreprise du groupe ou une filiale. L’application de l’imposition minimale garantit que ces 2% resteront dans les caisses des collectivités suisses. Quand on pense que cette hausse d’impôt pourrait rapporter entre 1 et 2,5 milliards supplémentaires, on peine à comprendre ce petit jeu du «oui, mais non».
La solution choisie par le Parlement est finalement respectueuse du fédéralisme
Vincent Simon
La gauche est fâchée avec la répartition des recettes attendues. Initialement, le Conseil fédéral entendait laisser la totalité des montants aux cantons où se trouvent les entreprises concernées. Les cantons eux-mêmes ont décidé d’accorder 25% à Berne. Mais ça ne suffisait pas au PS, qui voulait une répartition 50/50 avec un mécanisme privant certains cantons de 80% à 90% des recettes!
La solution choisie par le Parlement est finalement respectueuse du fédéralisme. Tous les cantons bénéficieront des recettes nouvelles directement, ou indirectement à travers la péréquation financière. Ceux dont l’imposition minimale réduira le plus fortement l’attractivité pourront investir les montants dans des mesures de promotion (par exemple dans le domaine R&D), mais aussi pourquoi pas dans le soutien aux crèches ou à la formation. Tout est ouvert.
Une chose est sûre: l’impôt supplémentaire ne pourra pas être simplement rendu aux entreprises touchées. Des mesures de promotion économique devront profiter à toutes les entreprises, sans quoi l’imposition minimale serait contournée. Il faut donc cesser de fantasmer sur les habituels complots visant à «favoriser une fois de plus les grands groupes», que les partis de gauche aiment bien servir à chaque votation fiscale.