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Energie: un tiens vaut mieux que deux tu l’auras

Face au bouleversement climatique, nous avons tendance à attendre des miracles de la science. A tort. Par René Longet

«Quand on mise sur la géoingiénerie qui vise à réorienter les rayons du soleil ou à modifier la composition de l’atmosphère en y injectant des particules et autres propositions de ce type, on s’embarque dans une logique d’apprenti-sorcier.»
KEYSTONE
«Quand on mise sur la géoingiénerie qui vise à réorienter les rayons du soleil ou à modifier la composition de l’atmosphère en y injectant des particules et autres propositions de ce type, on s’embarque dans une logique d’apprenti-sorcier.»
René Longet
Expert en développement durable
19 octobre 2023, 15h00
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Devant la crise climatique qui prend de l’ampleur, beaucoup cherchent à s’accrocher à l’espoir de pouvoir persévérer malgré tout dans leurs habitudes bien commodes, en espérant que la tempête va passer ou que nous pourrons d’une manière ou une autre lui échapper. Dans cet état d’esprit, nous avons tendance à attendre des miracles de la science.

Des optimisations et des innovations techniques sont indispensables. Mais sans changement des attitudes consuméristes, elles risquent aussitôt d’être annulées par une augmentation des objets et de leurs usages: chaque objet consomme moins, voire nettement moins, mais si on multiplie leur nombre et leurs usages, on s’épuise sans résultat satisfaisant. Le remède à cet «effet rebond» est bien connu: c’est la sobriété.

Et quand on mise sur la géoingiénerie qui vise à réorienter les rayons du soleil ou à modifier la composition de l’atmosphère en y injectant des particules et autres propositions de ce type, on s’embarque dans une logique d’apprenti sorcier. En effet. de telles interventions massives risquent fort de faire plus de mal que de bien.

Actuellement et pour un bon moment encore, la seule assurance que nous ayons, face à l’urgence climatique, ce sont les énergies renouvelables pour la production et la sobriété pour la consommation

René Longet

Une autre forme de croyance magique consiste à se fier à des innovations qui n’existent pas encore, plutôt que de généraliser celles dont nous savons qu’elles fonctionnent. Ainsi, les milieux de l’aviation aiment dire qu’on peut sans souci continuer à prendre l’avion, car bientôt on volera avec des carburants verts. Or, ceux-ci n’existent qu’à toute petite échelle et restent une promesse, et non une réalité significative.

Chercher à les mettre au point est une bonne chose mais qui ne doit pas nous détourner de ce que nous avons à faire maintenant: construire et piloter des avions de manière qu’ils consomment moins, remplacer un maximum de déplacements professionnels par des visioconférences et développer, pour les distances de moins de 500 à 1000 km, une offre ferroviaire attractive de centre-ville à centre-ville.

De même, cela fait un demi-siècle qu’on travaille sur la fusion nucléaire, sans avoir à ce jour débouché sur quoi que ce soit d’industrialisable. Les EPR (ndlr: réacteurs pressurisés européens) sont le rêve des pronucléaires mais le cauchemar de tous les autres: la construction sur l’île finlandaise d’Olkiluoto du seul à être en fonction en Europe a pris quatre fois plus de temps que prévu (dix-sept ans au lieu de quatre) et a aussi coûté quatre fois plus: 11 milliards d’euros alors que 3 milliards étaient budgétés…

Le récent refus des électrices et électeurs valaisans d’accélérer les procédures pour les installations photovoltaïques en altitude illustre les difficultés à développer à large échelle ce qui a pourtant fait ses preuves: le solaire, la géothermie, la biomasse, l’éolien… Et a donné un argument pour relancer le nucléaire en Suisse. Or les délais pour mettre en place de nouveaux réacteurs et leurs coûts environnementaux et financiers en font une dangereuse chimère, car c’est maintenant qu’il faut réussir la transition, et pas après-demain.

Les mirages de la technologie du futur ne doivent pas être notre oreiller de paresse, ni justifier notre procrastination. Actuellement et pour un bon moment encore, la seule assurance que nous ayons, face à l’urgence climatique et aux risques de pénurie, ce sont les énergies renouvelables pour la production et la sobriété pour la consommation. Un rappel en somme de cette vielle sagesse: un tiens vaut mieux que deux tu l’auras!