Dimanche passé, le premier tour de l’élection présidentielle français et le second tour de l’élection du Conseil d’Etat vaudois ont coïncidé, non seulement dans le temps mais aussi par le résultat. Le centriste Macron et la Centriste Dittli ont fait respectivement un bon résultat et un résultat inattendu. Il vaut donc la peine de s’interroger sur la notion floue du centre en politique.
La gauche rassemble surtout des citoyens qui ne paient pas ou peu d’impôts et qui sont donc désireux d’une large distribution des finances publiques, alimentées surtout par les privilégiés de la fortune. Cela s’appelle le transfert: l'analyse et l'attribution de ces mouvements relève de la redistribution et de la répartition du revenu national pilotée par la puissance publique.
La droite rassemble évidemment les citoyens qui paient le plus d’impôts et qui estiment que la dépense publique est trop généreuse. Ils disposent de cliniques, de maisons de retraite et d’écoles privées. Les services publics ne les intéressent pas tellement puisqu’ils peuvent s’en dispenser. Ils n’ont pas tellement besoin d’un Etat protecteur.
Un parti centriste est une structure plus fragile que les partis traditionnels de la droite et de la gauche
Jacques Neirynck
Comment peut alors se recruter un centre politique? Sinon dans la classe moyenne, celle qui à la fois paie des impôts et des cotisations mais qui ne bénéficie guère ou pas du tout de subsides ou d’allocations. Ces artisans, commerçants, paysans, cadres, professions libérales gagnent trop pour être subsidiés mais pas assez pour que les prélèvements obligatoires ne les réduisent pas à la portion congrue. S’il n’existe pas un parti politique centriste, leur force électorale se disperse entre la droite et la gauche.
En ce sens un parti centriste est une structure plus fragile que les partis traditionnels de la droite et de la gauche. Les deux ailes bénéficient d’idéologies assez simples à formuler et à expliquer: plus d’Etat ou moins d’Etat, à chacun selon ses besoins ou à chacun selon son mérite, travailler moins pour vivre plus longtemps ou travailler plus pour gagner plus. Là-dessus viennent encore se greffer les exagérations extrémistes: la révolution, le nationalisme, l’intolérance religieuse, la xénophobie, l’anarchisme.
La plupart des pays démocratiques se gouvernent selon l’alternance. La Suisse a dépassé l’alternance en pratiquant la concordance à chaque niveau de l’exécutif. Gauche et droite gouvernent ensemble en atteignant forcément une sorte de consensus à distance des extrêmes. Cette leçon de chose enseigne en tous cas que la réalité politique est complexe, voire compliquée.
En somme, gouverner au centre est non seulement un idéal mais une obligation. Encore faut-il dégager des solutions réalistes par une observation objective de la réalité telle qu’elle est et non telle qu’on la souhaite soit à gauche, soit à droite, ce qui profile nécessairement des œillères. Telle peut être la fonction d’un parti centriste: anticiper la longue recherche d’un consensus entre droite et gauche par l’énoncé direct d’une solution inévitable à laquelle on devra bien se résoudre.
Si les institutions suisses sont remarquables par la constance d’un consensus finalement atteint, ce ne l’est qu’au prix du temps, parfois de plusieurs années pour un problème qui en fait est urgent.