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Défaire le nœud des calamités

Guerre, famine et peste vont ensemble, elles s’engendrent mutuellement parce que les hommes ont abusé de la Nature. Par Jacques Neirynck

«Les emmerdes volent en escadrilles», disait l'ancien président de la France Jacques Chirac.
Keystone
«Les emmerdes volent en escadrilles», disait l'ancien président de la France Jacques Chirac.
Jacques Neirynck
Ancien conseiller national
12 avril 2022, 22h00
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Jacques Chirac utilisait une formule imagée pour désigner un phénomène assez étonnant: «Les emmerdes volent en escadrilles.»

C’est ce que nous expérimentons. Depuis des années nous vivions dans la perspective du réchauffement climatique, qui a été dissimulé ensuite pendant deux ans par l’épidémie Covid, aussi inattendue que malvenue. A peine celle-ci fléchit-elle qu’une guerre éclate, non pas dans un pays lointain comme à l’accoutumée ce qui nous importe guère, mais sur notre propre continent. Dès que les Russes sont défaits devant Kiev, sort un rapport du GIEC donnant trois ans pour réduire l’émission de CO2 à un niveau impossible à atteindre.

Entretemps, pour ne pas nous laisser aller à un optimisme prématuré, les prodromes de la pénurie se dessinent: les tarifs du gaz et de l’électricité augmentent, sans que l’on sache si l’on en disposera encore l’hiver prochain; les ménages commencent à vider les rayons de farine et d’huile des supermarchés; dans les pays les plus pauvres des émeutes de la faim menacent.

Si produire de plus en plus, pour consommer et gaspiller [...] est le seul sens de la vie, alors nous irons de mal en pis

Jacques Neirynck

La remarque et la formule de Chirac sont donc adéquates: les fléaux s’enchainent, se suivent et empirent. Serait-ce seulement une conjonction aléatoire de malheurs disparates ou bien plutôt une seule malédiction, issue d’une cause bien cachée et irradiant en multiples manifestations? On peut incliner pour cette seconde hypothèse: la guerre est en réalité subventionnée par les pays d’Occident, qui achètent le gaz russe parce qu’ils découvrent qu’ils ne peuvent s’en passer. Sinon c’est le recours au charbon qui serait encore pire. Une menace de disette engendre donc une guerre. Une économie primitive subsistant par la vente de matières premières tient en otage des économies plus développées.

Non seulement nous n’en avons pas réduit la cause, les gaz à effet de serre, mais nous en émettons de plus en plus. Non seulement le climat ne s’améliore pas, mais il se détériore de façon accélérée avec ces marques manifestes que sont des sécheresses jamais vues, des inondations plus fréquentes et des gelées tardives. Non seulement les avertissements du GIEC ne sont pas suivis d’effets, mais ils donnent lieu à des dénégations. Quant à la famine à venir, elle découle naturellement de la guerre puisque le grenier ukrainien à blé et à colza produira moins et sera entravé dans ses transports.

Ainsi guerre, famine et peste vont ensemble, elles s’engendrent mutuellement parce que les hommes ont abusé de la Nature. C’est de son respect que dépend la solution. Quel est l’impératif sommaire de notre société d’abondance sinon de produire de plus en plus, pour consommer et gaspiller le résultat afin de relancer le processus? Si tel est le seul sens de la vie, alors nous irons de mal en pis en consommant toujours plus, y compris des combustibles fossiles. Le PNB est un très imparfait critère de progrès.

Dès lors les ressources fossiles, limitées par nature, ne peuvent être gaspillées comme elles le sont, en engendrant simultanément une catastrophe climatique, une guerre, une épidémie et une famine. Car elles finiront de toute façon par s’épuiser.

Comment opérer la transition entre société d’abondance et société de sobriété?