Alors que le monde scientifique est de plus en plus unanime à alerter sur la fragilisation croissante des bases naturelles de l’existence, d’aucuns continuent de mettre en doute la chaîne de causalité amplement démontrée entre la combustion croissante, depuis la révolution industrielle, d’énergies fossiles (soit la biomasse du passé), l’augmentation d’un tiers du CO2 dans l’atmosphère (à la durée de présence de près d’un siècle) et un réchauffement de +1,2°C par rapport à la moyenne naturelle de +15°C.
Les glaces fondent partout sur la Terre, les mers s’élèvent d’un demi-centimètre par an, la Banque mondiale annonce plus de 200 millions de réfugiés du climat d’ici 2050. Et on doit entendre que tout cela ne serait que fariboles, masquerait une volonté de certains de supprimer la liberté de manger ce qu’on veut, de se déplacer comme on veut, de se chauffer comme on veut.
Six des neuf limites écologiques planétaires sont déjà franchies
René Longet
En réalité, six des neuf limites écologiques planétaires sont déjà franchies, un tiers de l’humanité vit dans des régions où l’eau manque, le climat entre dans une période d’instabilité majeure, la biodiversité s’effrite. Ce n’est plus d’environnement («ce qui nous entoure») qu’il faut parler, mais des bases de la vie humaine sur cette Terre («ce qui nous porte»).
Mais une bonne partie de l’humanité se rebiffe. Le monde de la consommation (on devrait dire consumation) reste toujours aussi attractif, pollue les esprits. Société du prêt-à-jeter, où la course au bon marché se paie cher, mais où l’augmentation des inégalités rend quasi impossible la vérité des prix, et les bons choix inaccessibles à bien des consommateurs, désormais livrés à la malbouffe. Société de l’irresponsabilité organisée où l’on reste déconnecté des effets de ses actes, illustrée par la diffusion globale des particules de plastique et des micropolluants.
Ce grand retour en arrière, relayé par les mouvements populistes en progression presque dans tous les pays, doit être combattu. Par exemple en montrant qu’il ne s’agit pas d’être contre LA voiture, mais d’en faire bon usage. 80% des parcours sont accomplis avec une seule personne à bord et 50% des immatriculations nouvelles sont des SUV émettant 30% de CO2 de plus qu’une voiture ordinaire, parfaitement inutiles dans nos quartiers urbains.
«L’image que nous avons devant les yeux est folle: c’est celle d’une humanité qui engouffre 300 millions de tonnes de viande par an», souligne le neurologue français Sébastien Bohler dans son livre «Le Bug humain»*. Or, la consommation de viande transformée est cancérigène et la nourriture des animaux de boucherie en bonne partie du soja planté sur la destruction de la forêt tropicale, biotope-clé pour le climat et la biodiversité...
Si nous roulions moins, avec un meilleur taux d’utilisation et des véhicules moins puissants, si nous ne mangions que de la viande d’herbivores se repaissant d’herbe de proximité, ce serait déjà une bonne avancée. Toutefois, tant la viande que la voiture sont des marqueurs sociaux et psychologiques puissants – dont il faut maintenant se libérer.
*«Le Bug humain», éditions Robert Laffont, 2019, 267 pages, 32,60 francs.