Cela paraissait un scénario catastrophe improbable, mais qui pourrait devenir une réalité. L’Europe et la Suisse risquent en effet des pénuries d’électricité, aux conséquences économiques majeures. Les tensions existantes sur l’approvisionnement font exploser les prix et la guerre en Ukraine renforce les incertitudes.
Ce nouveau contexte doit inciter la Suisse à revoir ses plans pour assurer son approvisionnement. Trois organisations économiques, Swissmem, Scienceindustries et Economiesuisse ont formulé cinq propositions pour un approvisionnement sûr, durable et économique.
La Suisse affronte plusieurs défis simultanés: trouver de l’électricité pour combler un manque chronique en hiver, se préparer à une augmentation de la consommation afin de remplacer les énergies fossiles, tout en gérant la baisse de production due à la sortie du nucléaire. En plus, les volumes d’importation d’électricité européenne pourraient fortement baisser dès 2025, faute d’un accord avec nos voisins.
Face à cette situation, les mesures prévues par la Confédération ne sont pas à la hauteur. Elles visent à renforcer un peu l’énergie hydraulique, à pousser d’autres énergies renouvelables et économiser du courant, mais sans mettre en place les conditions pour concrétiser les potentiels existants.
En cas de risque de pénurie, l’objectif de la sécurité d’approvisionnement doit primer sur la protection des paysages
Dominique Rochat
Quelles sont les priorités? La première est d’assurer l’approvisionnement hivernal. Pour ce faire, il s’agit de définir un seuil d’importations, dont le dépassement durable mettrait en péril le système électrique suisse. Afin d’éviter ce scénario, il s’agirait de construire à temps de nouvelles capacités de production. Celles qui existent, en particulier le nucléaire, doivent fonctionner aussi longtemps que possible.
Le développement des énergies renouvelables implique de faciliter l’octroi d’autorisations de construire. En cas de risque de pénurie, l’objectif d’assurer la sécurité d’approvisionnement doit primer sur les autres, notamment la protection des paysages. Et si des subventions s’avèrent nécessaires, elles doivent viser à renforcer la production hivernale. Pour les attribuer efficacement, des appels d’offres s’imposent, ouverts à toutes les techniques de production neutres en carbone. Cela permettra d’utiliser au mieux les montants à disposition et de maintenir la taxe qui les finance au niveau actuel. L’ouverture complète du marché contribuerait aussi à l’indispensable maintien de prix abordables et stimulerait l’innovation.
L’économie a pour sa part un grand potentiel d’amélioration de l’efficacité énergétique des entreprises.
Enfin, un accord sur l’électricité avec l’UE reste nécessaire, pour conserver une soupape de sécurité avec les importations.
Diversifier les sources d’approvisionnement est une priorité stratégique pour la Suisse. Sa concrétisation politique s’annonce ardue, compte tenu des querelles de chapelles qui agitent les débats énergétiques. Les solutions miracles n’existent pas et une bonne dose de pragmatisme helvétique sera nécessaire pour arriver au but.