L’application de l’impôt minimal à 15% des grandes entreprises internationales de l'OCDE devrait rapporter entre 1 et 2,5 milliards de francs, selon des estimations approximatives de l’administration fédérale. Encore faut-il que les Suisses acceptent l’article constitutionnel qui leur sera soumis en juin prochain, sinon ces recettes pourraient profiter à d’autres pays.
La Suisse doit également réussir à conserver la substance actuelle de l’entreprise sur son sol. Mais la question qui intéresse le monde politique est plutôt de savoir si ces recettes doivent aller aux cantons qui hébergent les entreprises concernées, ou s’il faut en attribuer une part à la Confédération.
Les décisions du Conseil des Etats cet automne donnent de premières indications. Originellement, la Confédération proposait de céder entièrement les recettes aux cantons. Les cantons eux-mêmes se sont entendus sur une répartition à raison de 25% au maximum pour la Confédération et 75% à eux-mêmes. C’est ce qui a prévalu chez les sénateurs.
Des représentants du Parti socialiste avaient fait d’autres propositions. Ainsi ont-ils proposé d’attribuer près de 80% des recettes à la Confédération, le reste aux cantons. Cela au nom de la cohésion sociale. Quelques représentants d’autres partis ont aussi évoqué d’autres répartitions, par exemple 50-50, mais sans les prôner fermement.
Il n’y a aucune injustice à ce que les cantons qui ont fait les plus grands efforts pour être compétitifs puissent encaisser ces recettes supplémentaires
Vincent Simon
J’ai déjà eu l’occasion de dire qu’il n’y avait aucune injustice à ce que les cantons qui ont fait les plus grands efforts pour être compétitifs puissent encaisser ces recettes supplémentaires. Après tout, cinq d’entre eux (VD, ZH, GE, ZG et BS) sont les principaux contributeurs au budget fédéral de l’imposition des entreprises, auquel ils livrent près de 9 milliards de francs par an (64% du tout).
Un facteur souvent oublié est celui de la péréquation financière (RPT), dont beaucoup se méfient, mais qui corrige les effets de la concurrence fiscale. En l’occurrence, si les cantons «riches» devaient récupérer 100% des recettes supplémentaires, ce total serait pris en compte dans la RPT et les moyens alloués aux cantons les moins riches augmenteraient mécaniquement. Et au contraire, plus la part de la Confédération est importante, moins la redistribution est effective, car cette part n’est pas prise en compte dans la RPT. Il s’agit d’un élément à ne pas perdre de vue.
Autre point à relever: tous les cantons sont concernés par l’imposition minimale, car la plupart appliquent les nouveaux outils fiscaux (patent box et déductions R & D surtout), et donc tous peuvent se retrouver en dessous des 15%. Encore faut-il qu’une société ayant un chiffre d’affaires de plus de 750 millions d’euros soit présente sur leur territoire bien sûr. Mais il y a aussi des entreprises qui bénéficient d’allégements fiscaux temporaires, dont l’OCDE ne permet pas non plus qu’elles fassent passer la charge fiscale au-dessous de 15%. Dans tous ces cas, le système fera apparaître des recettes fiscales potentielles. La question de leur attribution doit être mûrement pensée.