La Suisse fait face à un défi économique majeur: la pénurie de main-d’œuvre. Selon Economiesuisse, d’ici à 2040, au moins 430.000 travailleuses et travailleurs devraient manquer à l’appel, soit environ 8% de la population active.
Alors que les projections démographiques annoncent un vieillissement de la population active et une diminution du nombre de jeunes arrivant sur le marché du travail, il est impératif de trouver des solutions pour combler le fossé entre l’offre et la demande de travailleurs qualifiés touchant les divers secteurs de l’économie suisse et genevoise.
En ce sens, il est important de tirer les leçons du passé et d’anticiper. Certains métiers disparaissent, tandis que des nouveaux voient le jour. Pour éviter de faire face à une pénurie de main-d’œuvre potentiellement dramatique dans des secteurs porteurs à l’avenir, ces métiers du futur devront être rapidement identifiés afin de mettre en place, dès aujourd’hui, des filières de formation adéquates et en suffisance.
Depuis 2014, la Suisse perd plus d’un millier d’apprentis chaque année
Karine Curti
En effet, la Suisse a l’avantage d’avoir un système de formation déjà existant et ayant fait ses preuves: la formation duale, qui combine une éducation académique en classe avec une formation pratique en entreprise, et qui est l’un des symboles de la réussite économique helvétique. Toutefois, depuis 2014, la Suisse perd plus d’un millier d’apprentis chaque année. Au printemps 2023, selon le Secrétariat d’Etat à la formation, à la recherche et à l’innovation (Sefri), près de 30.000 postes figurant sur les bourses des places d’apprentissage gérées par les cantons étaient encore vacants pour la prochaine rentrée scolaire. A Genève, il s’agissait de 230 places non pourvues.
Qu’est-ce qui explique que nos entreprises formatrices ne trouvent pas les jeunes talents qui pourront assurer la relève? Ces derniers sont-ils attirés par d’autres voies? Les métiers proposés correspondent-ils encore à leurs attentes?
A Genève, le nombre de places d’apprentissages apparaît très faible en comparaison nationale (1,7% contre 4,7% en Suisse) et, selon une étude de la Haute école de gestion (HEG), près de 20% des entreprises formatrices sondées en 2021 se déclaraient hésitantes à engager des apprentis tandis que 30% songeaient tout simplement à y renoncer.
En outre, la tendance à passer directement du cycle d’orientation à la formation duale semble également diminuer, ce qui confirme la nécessité de trouver une manière de revaloriser et de promouvoir cette filière. Dans une perspective d’avenir et dans un monde du travail chamboulé notamment par la transformation digitale, nos jeunes doivent se voir offrir la possibilité de découvrir une palette plus large de métiers; des métiers qui leur parlent, qui leur ouvrent de belles perspectives de carrières et qui leur assurent un emploi.
A titre d’exemple, les emplois dits «verts» représentent un secteur en pleine croissance aligné sur les impératifs environnementaux et les engagements de la Suisse en matière de durabilité. Ils englobent une variété de rôles, allant des experts en énergies renouvelables aux poseurs de panneaux photovoltaïques ou aux ingénieurs en efficacité énergétique. La formation duale peut, ici, jouer un rôle déterminant pour combler le fossé entre l’offre et la demande de main-d’œuvre dans ce domaine prisé par les jeunes, tout en nous permettant de renforcer cette filière cruciale pour atteindre les objectifs de zéro émission nette.
En renforçant la promotion de la formation duale, Genève a l’opportunité non seulement de revaloriser l’apprentissage, mais aussi et surtout d’atténuer les effets néfastes de la pénurie de main-d’œuvre attendue, tout en renforçant son positionnement sur le plan de l’innovation et de la durabilité.