Malgré toutes les affirmations volontaristes, la transition énergétique que veut entreprendre la politique suisse – une électrification de toutes les activités de chauffage domestique et industriel et du transport routier, accompagnées de vœux pieux d’économies, de rationnements inévitables et d’importations improbables – reste une tâche irréalisable quel qu’en soit le statut législatif actuel. C’est démontré à chaque fois que les mensonges habituels sont prononcés par des experts et répétés par des idiots utiles au service d’une cause politique plutôt que de la réalité.
Sans entrer dans plus de détails, il suffit de rappeler l’ineptie qui consiste à substituer des formes d’énergie denses, efficaces et bon marché par des sources intermittentes que l’on dit renouvelables. Le sont-elles parce qu’il faut les remplacer tous les 25-30 ans? Pourtant, puisque intermittentes et non pilotables, elles ne satisfont jamais la demande en temps voulu. Elles envahissent les territoires et, même à faible dose, elles déstabilisent le réseau. Leurs coûts sont exorbitants si l’on y intègre les nécessaires puissances de réserve, moyens de stockage et capacités de transport.
Alors qu’au cours des cinquante dernières années la Suisse a su si bien profiter des bienfaits d’un mariage de raison entre ses capacités hydrauliques et nucléaires, elle ferait bien de se joindre aux 22 pays respectables qui affirment leur préférence à cette technologie non pas pour des raisons idéologiques mais par une comparaison honnête entre les alternatives tant du point de vue de la fonctionnalité, de la sûreté, des impacts sur l’environnement et de l’accessibilité économique.
Bien qu’irréalisable, le secteur électrique s’obstine à soutenir la stratégie énergétique 2050+ (sic) du Conseil fédéral. Les conseils d’administration des entreprises de ce cartel de monopoles étatiques sont peuplés d’apparatchiks, complétés désormais par des conseillers en durabilité. Tant stratégique qu’opérationnelle, sa gestion avait pourtant été confiée à des ingénieurs qui étaient parmi les meilleurs et qui travaillèrent avec un grand sens des responsabilités pour établir des systèmes d’approvisionnement sûrs, autonomes, interconnectés avec toute l’Europe, durables, et décarbonés, donc en avance sur leur temps.
L’argument du sauvetage de la planète ne touchera que les ingénus soumis à des idéologues
Michel de Rougemont et Markus Saurer
Ce n’est plus le cas aujourd’hui car, au cours des derniers trente ans, plus aucun investissement majeur n’a été fait par ce secteur. Au contraire, la situation étant aggravée par la fermeture de la centrale de Mühleberg, nous sommes déjà en pleine dépendance importatrice de courant alors même que la transition énergétique n’en est encore qu’à ses balbutiements. Attiré par les sirènes des marchés étrangers pour aller construire des moulins à vent en Espagne ou des turbines à gaz ailleurs et ne désirant pas non plus éviter les écueils de l’écologisme politique, ce secteur fait du clientélisme. Mais en fait, il faillit à sa mission première qui est d’assurer l’approvisionnement du pays.
Le marasme énergétique dans lequel se trouve la Suisse ne se laissera pas corriger sans que les fondamentaux – besoins, moyens, délais – ne soient passés en revue de manière impartiale et rigoureuse. L’argument du sauvetage de la planète ne touchera que les ingénus soumis à des idéologues.
La complaisance politique, le conformisme idéologique et l’incompétence doivent disparaître, à commencer immédiatement par la direction de l’Office fédéral de l’énergie et suivie par une vraie professionnalisation (dépolitisation) des conseils d’administration des 600 entreprises concernées. L’initiative d’une telle remise en question devra venir du parlement, seule institution qui en soit éventuellement capable, si ses membres en ont le courage.