La loi est claire, une adresse légale doit avoir un bureau et un espace de travail si la société n’est pas domiciliée. Il faut comprendre la commisération des registres du commerce des cantons à bien faire respecter cette règle. Ce qui entraîne là aussi de grandes complications, voire l’impossibilité s’il n’y a pas un bail à loyer officiel pour ne pas avoir la notion «c/o» devant l’adresse légale d’une entreprise.
Cette notion «c/o» (Care Of use, aux bons soins de) est la matérialisation officielle du fait de la domiciliation d’une entreprise. Elle est donc difficile, voire impossible à retirer, s’il n’y a pas de bail à loyer. Dans un pays qui a majoritairement des locataires, comment puis-je louer à ma petite société un bureau n’étant pas le propriétaire? Cela s’appelle la sous-location qui présente de nombreux obstacles, notamment une récente jurisprudence qui tente à ne pas autoriser cette pratique.
Surtout, suivez avec attention que la société opère bien à l’adresse à laqu’elle prétend opérer. En effet, les registres du commerce sont très diligents à contrôler cet état de fait. Si un de leur courrier de contrôle venait à leur renvoyé, ils déclencheraient la mise en liquidation sans poursuite préalable de la société en quelques semaines.
Quantité de services restent très lents et mal organisés, quelle bureaucratie!
Eric Maire
Il faut aussi préciser que l’assemblée annuelle ordinaire d’une société doit avoir lieu dans les locaux de la société. C’est aussi en lien avec les obligations fiscales d’établissement stable, encore une complication légale de plus, puisqu’en Suisse les entreprises paient des impôts aux trois niveaux étatiques. Le siège de la société est donc inscrit dans ses statuts, ce qui complique énormément les changements d’adresse qui nécessitent d’avoir un processus notarial, si celle-ci change de commune. Quelle bureaucratie!
La numérisation va apporter des réductions de coûts et des améliorations dans la relation de la banque avec son client. Cependant, un certain nombre de ses besoins réguliers, par exemple, émettre des lettres de bonne réputation («Good Standing Letter») ou des mises en relation de banque à banque lors de transfert de fonds, restent très lents et mal organisés.
Prenons un cas réel, celui de la demande d’une lettre de bonne réputation auprès d’une grande banque. Il a fallu plus de quatre échanges d’e-mails sur un mois pour que la lettre soit donnée. La banque a eu besoin de connaître le nom du destinataire, ce qui est dans certains cas impossibles, et souvent il y en a plusieurs, comme dans le cadre d’une «due diligence» ou de la réponse à un appel d’offre publique ou privée. Par le passé il suffisait de noter «A qui de droit», mais il a fallu aussi expliquer le contexte, le délai de validité, et motiver cette demande. Là aussi, il n’y a plus de souplesse, seul le risque de la banque compte. Un mois pour obtenir cette lettre est un réel problème, car la vitesse des affaires est de plus en plus rapide.
L’ouverture de l’accès aux comptes par e-banking est catastrophique pour certaines banques. Nous avons attendu jusqu’à trois mois chez l’une, avec une moyenne d’un mois pour la plupart pour avoir accès en ligne aux comptes, en attendant les fournisseurs attendent d’être payés lors de la création d’une nouvelle société.
Les acteurs bancaires appliquent à la lettre les réglementations du régulateur. Et pour assurer leur rentabilité, ils éjectent les sociétés de domiciles
Eric Maire
La question des frais bancaires est aussi un problème. Même si les frais directs de gestion des comptes sont assez faibles en général. D'autres sont cachés, notamment les ordres de paiement hors de l’environnement Sepa (Single euro payments area). Les frais de taux de conversion de changes sont exorbitants. Certains acteurs «FinTech» offrent des solutions bien plus agiles et moins onéreuses sur les taux de change comme «Currency Fair» par exemple.
Les sociétés ayant des besoins mesurables et importants sur ces transactions peuvent évidemment bénéficier de prix avantageux, mais à nouveau les petites entreprises sont les plus affectées par les pratiques bancaires, car elles n’intéressent pas les banques. Parmi ces dernières, celles appartenant majoritairement à l’Etat devraient être en adéquation avec le marché local afin de permettre le soutien principalement aux PME, notamment avec les investissements importants que les autorités suisses (fédérales et cantonales) font pour stimuler l’innovation, des start-up et d’autres aides étatiques. Il n’en est rien, les acteurs bancaires appliquent à la lettre les réglementations du régulateur. Et pour assurer leur rentabilité, ils éjectent les sociétés de domiciles (cinq comptes de société de nos clients ont été fermés sans autre forme de procès par des banques cantonales en 2020). L’Etat, et donc leur mandante bancaire, a une responsabilité qui n’est, à regret, pas prise en compte.
Prochain chapitre: Appel à une nouvelle révolution bancaire
Une série spéciale en huit chapitres
Eric Maire n’est pas banquier, mais il en côtoie dans sa vie professionnelle depuis plus de 25 ans. Administrateur d’une vingtaine de sociétés, il a été amené à contacter la majeure partie des banques en Suisse romande au cours de l’année 2021. Il tentait d’ouvrir des relations bancaires pour des sociétés établies en Suisse, soit déjà existantes, soit en création par des actionnaires étrangers. Eric Maire a aussi interrogé d’autres entrepreneurs, anciens banquiers et experts dans ce milieu. Il tire de cette expérience un grand texte d’analyse sur ce marché toujours plus régulé, vu par un entrepreneur. «L’Agefi» le publie cet été en huit chapitres.