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IA: à qui le droit

L’intelligence artificielle pose plusieurs questions juridiques de fond. Eléments de réponse. Par Xavier Comtesse

«A qui appartiennent les droits d’auteur lors de la création de textes, d’images ou de codes faisant appel à l’IA et aux Big Data? Le monde hollywoodien des écrivains/scénaristes aimerait bien obtenir une réponse!»
KEYSTONE
«A qui appartiennent les droits d’auteur lors de la création de textes, d’images ou de codes faisant appel à l’IA et aux Big Data? Le monde hollywoodien des écrivains/scénaristes aimerait bien obtenir une réponse!»
Xavier Comtesse
Manufacture Thinking - Mathématicien et président
29 août 2023, 15h00
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En l’an 2000, Lawrence Lessig, professeur à Harvard, posait dans son article «code is law» la question du droit dans les cyberespaces (créés par le code informatique). A cette époque, ChatGPT n’existait pas… même pas en rêve. Aujourd’hui, on peut s’inquiéter de la lenteur du législatif à répondre à la question devenue brûlante de savoir à qui appartiennent les droits d’auteur lors de la création de textes, d’images ou de codes faisant appel à l’IA et aux Big Data.

Le monde hollywoodien des écrivains/scénaristes aimerait bien obtenir une réponse ainsi que tous les créatifs du monde entier, y compris les informaticiens!

Tournons-nous vers trois des plus grands spécialistes suisses pour évoquer cette question pointue: Nicolas Capt, avocat chez Quinze Cours des Bastions Avocats à Genève, Christophe Saam, CEO de PT & S (mandataires en brevets, Neuchâtel) et Oscar Prado (spécialiste données chez Romande Energie, Vaud).

A qui appartiennent les droits d’auteur issus de l’IA?

Nicolas Capt: «Une très récente décision judiciaire américaine vient d’estimer que, sous l’angle du copyright (le cousin du droit d’auteur européen), le fait de générer des prompts (ligne d’instruction à l’endroit de la machine) ne permet pas de revendiquer une quelconque titularité du contenu généré, notamment en raison du fait que le donneur d’ordre ne peut pas prédire ce que l’outil crée. On relèvera aussi que le fait que le plaignant ait aussi été le concepteur du logiciel d’IA (Dabus) n’y a rien changé.

En tout état, un appel va être déposé, de sorte que cette question, épineuse, va rester ouverte pendant un certain temps encore. D’autres spécialistes tendent à estimer que lorsque les prompts sont suffisamment nombreux et spécifiques, ils peuvent constituer pour eux-mêmes l’activité créatrice nécessaire à la protection».

Et en informatique?

Christophe Saam: «Sauf exception: à personne! Le droit d’auteur appartient, comme son nom l’indique, à un auteur et la plupart des juridictions ne reconnaissent pas la qualité d’auteur à une machine. Même problème avec les générateurs d’images Dall-E, Midjourney, etc.: des sociétés investissent des campagnes de marketing basées sur des images créées avec ces outils, et des journalistes produisent des textes, sans se rendre compte que leurs concurrents pourront les reprendre impunément […] Même si le texte produit n’appartient à personne, cela ne signifie pas pour autant qu’il ne viole pas de droit de tiers. Les réseaux neuronaux sont entraînés avec des textes existants que les générateurs de langage ont tendance à imiter. Il peut y avoir contrefaçon».

Et en ce qui concerne les données?

Oscar Prado: «L’IA requiert un entraînement sur d’importantes quantités de données. Cependant, la collecte et la réutilisation des données personnelles peuvent conduire à des violations de la LPD (loi sur la protection des données). En effet, le fait de traiter des données personnelles publiques à des fins différentes de celles pour lesquelles elles ont été initialement rendues publiques (sans information préalable ni base légale) entraîne la violation de plusieurs principes de la LPD, notamment la transparence, la finalité de traitement, la licéité de la collecte et la bonne foi. A noter que l’absence de transparence entourant la collecte et la réutilisation des données collectées empêche le suivi et l’exercice des droits des personnes concernées».

Et voilà, le législateur a oublié de légiférer… On ne sait pas exactement qui a droit à quoi? Une société sans droit ne tient pas longtemps!