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Agriculture: la guerre comme prétexte pour ne rien changer

Le lobby agro-industriel se bat avec obstination contre la généralisation d'approches plus respectueuses de l’humain et de la terre. Par René Longet

«A-t-on bien compris que cette agro-industrie ne fait que nous enfoncer davantage dans nos dépendances du fossile, des engrais minéraux, des intrants chimiques?»
Keystone
«A-t-on bien compris que cette agro-industrie ne fait que nous enfoncer davantage dans nos dépendances du fossile, des engrais minéraux, des intrants chimiques?»
René Longet
Expert en développement durable
07 avril 2022, 13h39
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Depuis des années, les politiques agricoles, suisse et européenne, génèrent des effets écologiques et sociaux non souhaitables. Le mouvement continu de regroupement des exploitations et de maximisation de leur taille qu’elles encouragent conduit à un nivellement des produits, des goûts, des paysages, des animaux et des végétaux – et des paysans eux-mêmes.

Face à cela, le souci d’une alimentation saine, le refus de l’uniformisation génétique et gustative, la revendication d’un peuplement rural décentralisé, d’un juste prix payé aux producteurs et de modes de production respectueux de leurs bases naturelles prennent de l’ampleur. Mais le lobby agro-industriel se bat avec une obstination digne d’une meilleure cause contre la généralisation de ces approches plus respectueuses de l’humain et de la terre, et fait feu de tout bois pour contrer le «verdissement» de la Politique agricole commune de l’UE, ou en Suisse la PA 22+.

La guerre en Ukraine (plutôt: la guerre contre l’Ukraine) est maintenant invoquée par ces milieux pour s’opposer à toute réorientation de la politique agricole. La faim guetterait le monde et il faudrait redoubler d’efforts pour produire plus afin de remplacer le blé russe et ukrainien qui va manquer.

Dans nos pays, on jette, entre la fourche et la fourchette, un tiers de la production

René Longet

Mais a-t-on bien compris que cette agro-industrie ne fait que nous enfoncer davantage dans nos dépendances du fossile, des engrais minéraux, des intrants chimiques? Qu’en continuant à concentrer les exploitations, à vider les campagnes, à polluer les sols qui finissent par être de simples supports pour plantes et animaux dopés par des produits étrangers aux cycles naturels, on détruit les bases de la productivité agricole future et de notre approvisionnement? Qu’il ne s’agit pas «d’environnement» mais des fondements de notre existence? Que le refus de placer notre nourriture sur des socles écologiques et sociaux solides ne fait que préparer les crises de demain?

Dans nos pays, on jette, entre la fourche et la fourchette, un tiers de la production et ingère en moyenne un tiers de calories en trop. Et en Afrique, qui a eu l’idée saugrenue de dépendre du blé d’ailleurs pour avoir comme à Paris sa baguette tous les matins, alors qu’il existe tant de produits locaux à revaloriser, adaptés aux sols, au climat et aux conditions du terrain? Non décidément, la résilience des territoires passe par tout sauf ce productivisme qui mange ses enfants...

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