3 mai 2022, commission fiscale du Grand Conseil genevois: un expert répond par la négative à l’inquiétude d’un député sur le risque de délocalisation que pourrait entraîner l’augmentation de l’imposition des dividendes pour certaines entreprises familiales. 31 mai 2022, dans toute la presse: une grande entreprise familiale, fleuron de la parfumerie, annonce sa fusion avec un géant néerlandais de la branche et, au passage, le déplacement de son siège social hors du canton.
Ces événements du printemps dernier montrent que rien n’est jamais acquis. On entend souvent dire qu’entreprises et riches contribuables peuvent bien payer un peu plus et que c’est sans risque, tant Genève regorge de qualités. On ne peut nier que le canton du bout du lac est rempli d’atouts. Mais c’est oublier que d’autres régions en Suisse et dans le monde en ont également et qu’elles sont fiscalement beaucoup plus attractives.
Une grande entreprise qui déplace son siège, est-ce vraiment catastrophique, me direz-vous. Dans l’absolu, sans doute pas. Cela devient nettement plus gênant lorsque le canton «quitté» pratique une fiscalité très progressive et fait reposer une grande part de ses recettes fiscales sur quelques contribuables. C’est précisément le cas de Genève, où 1,2% des entreprises supportent 79,1% du total de l’impôt cantonal et communal sur le bénéfice et le capital.
A Genève, 0,1% des entreprises paient près de la moitié de l’impôt sur le bénéfice
Stéphanie Ruegsegger
Les chiffres du fisc genevois sont encore plus édifiants puis qu’ils relèvent que 0,1% des entreprises paient près de la moitié de l’impôt sur le bénéfice. La situation est similaire du côté des personnes physiques, elles aussi touchées par une fiscalité très progressive. Cela signifie que le départ de quelques bons contribuables peut gravement nuire à l’équilibre des finances publiques, et par là au financement des prestations publiques.
Il se trouve que malgré sa situation fiscale déjà très fragile, le canton de Genève pourrait se retrouver dans une position encore plus scabreuse. Ces prochains mois, deux initiatives proposeront d’augmenter encore la fiscalité de certains contribuables. On commencera en mars, avec l’initiative 179 qui demande une augmentation de l’impôt sur les dividendes de certaines entreprises, de type familial.
Genève est déjà le canton le plus gourmand en la matière. En stigmatisant les actionnaires, c’est en fait des patrons de PME que l’on vise. En juin, un autre vote portera sur une contribution temporaire de solidarité, avec une augmentation de l’impôt sur la fortune. Or, Genève est déjà le canton qui taxe le plus fortement la fortune en Suisse. Cette proposition est accompagnée de mesures qui n’ont rien de temporaires et qui augmenteront les impôts de près de 90 millions de francs par année.
Genève n’a pas les moyens de se permettre de jouer avec le feu. Si le canton entend continuer à financer son train de vie, il conviendra de rejeter ces deux initiatives.