Dans le cadre de sa planification hospitalière pour les années 2016 et suivantes, le canton de Neuchâtel avait confié à Swiss Medical Network (SMN), qui contrôle l'hôpital de la Providence, à Neuchâtel, et la clinique Montbrillant, à La Chaux-de-Fonds, une partie seulement des prestations revendiquées par le groupe privé. Certaines faisaient en outre l'objet de conditions ou de limitations des volumes d'activité.
Le Conseil d'Etat avait alors justifié sa décision par le fait que le groupe ne respectait pas la convention collective de travail CCT Santé 21. Dans sa soumission, SMN s'était pourtant engagé à offrir des conditions de travail équivalentes. En outre, les critères de disponibilité, de capacité et de masse critique (nombre minimum de cas) n'étaient pas réalisés pour certains domaines.
Dans un arrêt très fouillé, le TAF conclut lundi que la plupart des critères retenus pour l'évaluation des candidatures ne sont pas conformes au droit fédéral. Cette décision entraine l’annulation de la planification en cours et son renvoi au Conseil d’État.
Les juges de St-Gall se sont tout d'abord penchés sur l'évaluation des besoins effectuée par le canton préalablement à la planification. Ils constatent que Neuchâtel ne s'est pas coordonné avec les cantons voisins, comme le prescrit la loi sur l'assurance-maladie (LAMal). L'évaluation est donc viciée d'emblée.
Fausse hiérarchisation de critères
Passant ensuite au processus d'attribution des mandats, le TAF constate qu'il aboutit à une hiérarchisation des critères de la LAMal. Or les cantons n'ont pas la compétence d'établir un tel ordre d'importance.
Parmi les autres motifs de refus invoqués par Neuchâtel, la cour administrative s'est penchée sur la CCT Santé 21. Elle reconnaît que des conditions de travail adaptées - en contribuant à la satisfaction du personnel - sont indispensables pour permettre à un hôpital de remplir les missions qui lui sont confiées.
Mais le Conseil d'Etat ne pouvait pas se contenter d'un renvoi général et abstrait à la CCT. Il devait expliquer de manière détaillée en quoi ses clauses contribueraient à l'amélioration de la qualité.
Planification suspendue
En revanche, le TAF admet le critère de la masse critique. Cette exigence, prévue par la législation sur l'assurance-maladie, est conforme aux objectifs de la planification hospitalière. Elle vise à s'assurer qu'un hôpital a les compétences nécessaires pour prodiguer certains soins et renforce ainsi la qualité du traitement et la sécurité des patients.
L'arrêt du TAF est définitif et ne peut pas être attaqué devant le Tribunal fédéral.
Issue concertée
Dans un communiqué commun, le Département des finances et de la santé et Swiss Medical Network se sont mis en contact pour "trouver une issue concertée. Leur objectif commun est de régler très rapidement les conséquences de ce jugement pour le passé et de discuter d'une collaboration constructive pour l’avenir, notamment dans le cadre de la future planification hospitalière, à la lumière des nouveaux éléments contraignants découlant de cette nouvelle jurisprudence".
Dans cette attente, le Conseil d'État a décidé de suspendre les travaux relatifs à la planification hospitalière pour les années 2023 et suivantes. (arrêt C-7017/2015 du 17 septembre 2021)(ATS)
Raymond Loretan est président de Swiss Medical Network (SMN) ainsi que de L'Agefi.