• Vanguard
  • Changenligne
  • FMP
  • Rent Swiss
  • Gaël Saillen
S'abonner
Publicité

«Face à la crise actuelle, l’endettement public est le moindre mal»

Le Conseil fédéral se prépare à annoncer de nouvelles restrictions qui font craindre une vague de faillites. Comment aider l'économie? Réponse avec Marius Brülhart, professeur d'économie à HEC Lausanne.

Guy Parmelin et Ueli Maurer. Les conseillers fédéraux en charge de l’économie et des finances disposent de plusieurs leviers d’actions pour soutenir les entreprises.
Keystone
Guy Parmelin et Ueli Maurer. Les conseillers fédéraux en charge de l’économie et des finances disposent de plusieurs leviers d’actions pour soutenir les entreprises.
11 décembre 2020, 7h00
Partager

Ce vendredi, le Conseil fédéral se prépare à annoncer des mesures plus restrictives pour contrer la pandémie de coronavirus. Il envisage de fermer les magasins et les restaurants dès 19h à partir de samedi. Ces dispositions, en consultation auprès des cantons depuis mardi, pourraient durer jusqu'au 20 janvier. Ce nouveau semi-confinement fait craindre des faillites et des licenciements massifs. Que faire? Marius Brülhart livre ses réponses. Professeur d'économie à la Faculté HEC Lausanne il est aussi membre de la task force Covid de la Confédération, l’organe consultatif scientifique qui a pour mission de conseiller l’ensemble du Conseil fédéral, le chef du Département fédéral de l’intérieur (DFI) et les autorités fédérales et cantonales compétentes.

Comment amortir au mieux cette crise? De quoi l'économie a-t-elle besoin? 

Il faut évidemment prolonger le chômage partiel et l’allocation perte de gain aussi longtemps que la crise dure. Ce sont les instruments les plus importants, car ils visent à soutenir les coûts salariaux qui représentent quelque trois quarts des dépenses des petites et moyennes entreprises.  

Il faut par contre repenser les aides des paiements compensatoires pour les coûts fixes non salariaux. Sur cet aspect, il y a encore de la marge pour ajuster le tir.  


«Dans l’absolu, si on fait abstraction du cadre politique légal, il serait plus efficace de remettre sur la table des prêts Covid comme au printemps.»
«Dans l’absolu, si on fait abstraction du cadre politique légal, il serait plus efficace de remettre sur la table des prêts Covid comme au printemps.»

C’est-à-dire? Quels instruments précisément?

Les économistes de la task-force ont proposé de réactiver les prêts Covid ou quelque chose qui y ressemble. À savoir, une aide qui potentiellement n’est pas 100% remboursable cette fois. L’idée est que l’endettement ne soit pas une raison de pousser les entreprises à la faillite. Il semble opportun de permettre des prêts maintenant, et après la crise, d’éventuellement réduire les montants dus. Pour des questions de distorsion de concurrence qui sont très difficiles à maîtriser, ces remboursements de dettes seraient réduits en fonction du secteur d’activités, et non par entreprises.  

Le but étant que de tels prêts doivent laisser aussi une marge aux sociétés de se développer et ne pas freiner leur dynamique lors de la reprise.

Qui s’en occuperait?

 Les prêts Covid étaient une mesure fédérale, qui a pris fin en juillet. À l’heure actuelle, le Conseil fédéral tente de les réactiver, mais la balle est dans le camp du Parlement. A court terme, le dispositif actuel est tel que ce sont les cantons qui décident de la distribution de l’argent. Je fais référence ici à l’ordonnance sur les cas de rigueur.  

Dans l’absolu, si on fait abstraction du cadre politique légal, il serait plus efficace de remettre sur la table des prêts Covid comme au printemps. Nous aurions alors un instrument qui serait le même dans tout le pays. Ici aussi, le fédéralisme est un peu problématique.  

Etant donné la difficulté à mettre en œuvre la compensation des cas de rigueur, il est envisageable qu’à terme ils soient complétés par une réouverture des prêts Covid au niveau fédéral. 

À ce propos, pourquoi ont-ils été stoppés cet été?  

Ces prêts ont toujours été conçus comme étant limités dans le temps. Cela faisait partie des décisions d’urgence du Conseil fédéral au début de la pandémie. Une erreur qui a été faite, c’est d’avoir sous-estimé ce qui allait encore venir. On partait de l’hypothèse que le pire était derrière nous aussi économiquement, et on n’a pas vraiment construit d’instruments adaptés à la deuxième vague. 

Est-ce que la Suisse a raté la gestion de la deuxième vague? 

 Nous ferons le décompte dans un an, j’espère. Pour l’instant, cela ne semble pas très bien réussi. Nous avons plus de 5000 morts à plaindre. Est-ce qu’en acceptant une mortalité supérieure nous aurions eu en contrepartie une baisse économique moins grave? Cela n’est pas encore clair.  

«Face à la crise actuelle, l’endettement public est le moindre mal»

Les finances publiques suisses figurent parmi les plus saines du monde.  L’endettement public suisse est-il trop faible?  

Avoir une dette publique aussi faible que cela, c’est un grand atout. Par contre, de la laisser à ce faible niveau et de ne pas lui permettre d’augmenter durant la pandémie, cela serait irresponsable. La Suisse est un des pays au monde qui a le plus de marge pour être généreux durant une crise. Dans la crise actuelle on devrait mettre le paquet au niveau des finances publiques. Dans l’absolu, il faut choisir entre trois types de maux : le mal sanitaire, l’économie privée touchée, et la hausse de la dette publique. Parmi les trois, l’endettement public est le moindre mal. S’il faut faire un arbitrage, ce n’est vraiment pas sur ce point qu’il faut se montrer contraignant. La Suisse peut se le permettre aussi parce que les taux d’intérêt sont négatifs, même pour de emprunts portant sur 50 ans. Autrement dit, le marché des capitaux paie l’Etat à s’endetter. 

Est-ce que nos autorités ont fait justes en termes d'aides financières?

C’est impossible de faire tout juste, étant donné le contexte unique et nouveau pour tous. Ceci dit, on a approché de la perfection durant la première vague. Heureusement que nous avions déjà l’instrument du chômage partiel, mais aussi les extensions des allocations pour pertes de gains pour indépendants et petits commerçants. De plus, les prêts Covid ont aussi été un succès. 

 Nous avons en revanche trop baissé les bras durant l’été. D’un point de vue de politique économique, nous devons encore trouver le bon instrument pour remplacer les prêts Covid.