Depuis longtemps, de nombreuses entreprises reconnaissent que la prise en compte de critères de durabilité peut constituer un véritable avantage concurrentiel. En particulier, cela leur permet d’obtenir de meilleures conditions de financement. Néanmoins, le marché du financement durable est encore modeste en Suisse. Mais il va continuer à se développer grâce à des conditions plus diversifiées et plus claires.
Pour rappel: une étape importante de la politique climatique a été franchie le 12 décembre 2015 avec la conclusion de l'Accord de Paris sur le climat. Dans la foulée, la Suisse a également défini des objectifs climatiques qui s'alignent sur ce document fondateur. En tant qu'intermédiaires entre l'Etat, l'économie et les investisseurs, mais aussi en tant qu'émetteurs de crédits ou d'emprunts, les banques peuvent et doivent y jouer un rôle très important. Elles doivent agir en précurseurs pour contribuer activement à la mise en œuvre des objectifs de la Confédération.
La durabilité renforce la crédibilité
Les entreprises ont l'habitude de s'adapter en permanence afin d'assurer leur réussite à long terme. Il est réjouissant de constater que nombre d'entre elles reconnaissent depuis longtemps l'importance du développement durable. Elles trouvent régulièrement des solutions innovantes pour concrétiser leurs projets d'expansion et génèrent de la sorte de réels avantages concurrentiels.
Cela inclut, par exemple, des gains d’efficacité dans la production ou la réduction des coûts énergétiques. Un modèle économique durable renforce la crédibilité et la réputation de l’entreprise et la rend attrayante pour les investisseurs, mais aussi pour ses collaborateurs et pour les autres parties prenantes.
Enfin, tous ces facteurs ont également une influence sur les conditions commerciales d'un financement. Les entreprises qui sont conscientes de leurs responsabilités sociales et sociétales, et qui les assument, sont récompensées et, souvent, bénéficient d'une prime.
La place financière suisse à la traine
En Suisse, un grand nombre d'instituts financiers ont intégré les critères environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG) dans leurs processus d'octroi de crédits et ont élargi leur gamme d'obligations vertes et durables, que l'on appelle souvent Green Bonds ou Sustainability Bonds.
De telles obligations sont émises à la Bourse suisse depuis 2014. Aujourd'hui, des obligations vertes et durables d'une valeur nominale de 5,9 milliards de francs sont actuellement traitées sur les marchés. En comparaison mondiale avec les autres Bourses, la Suisse se situe dans le milieu du classement.
Elément intéressant, voire significatif: la majorité des émetteurs sont des sociétés étrangères, tandis que les émetteurs helvétiques sont principalement liés à la main publique. Ce segment reste donc à ce jour sous-représenté en Suisse. Néanmoins, la régularité des nouvelles émissions d'obligations vertes sur le marché suisse des capitaux indique la tendance pour les années à venir.

L’Union européenne aux avant-postes
Avec notamment sa taxonomie et ses normes sur les obligations vertes, l'Union européenne (UE) a créé les conditions cadres pour le financement d'une croissance économique durable. Comme en Suisse, de nombreux instituts financiers européens proposent des crédits avec des critères ESG, ainsi que des obligations vertes et durables.
En revanche, dans l'UE, la part de marché de ces titres est nettement plus élevée que sur la place financière helvétique. L'an passé, l'équivalent de 229,3 milliards de dollars d'obligations vertes, sociales et durables a été émis rien qu'en Europe, ce qui représente nettement plus de la moitié (environ 55%) du volume mondial. Les principaux émetteurs étaient des sociétés financières et non financières, ainsi que des entités proches des Etats.
Comment classifier le financement durable
Les entreprises et les instituts financiers suisses ont donc du retard à rattraper. Surtout que les considérations de durabilité jouent un rôle de plus en plus central dans le financement des entreprises. En principe, on peut distinguer deux cas de figure.
Dans le premier cas, il s'agit pour l'entreprise de poursuivre un objectif durable grâce à un financement, c'està-dire qu'elle utilise l'argent du crédit de manière durable. On parle alors d'obligations vertes (Green Bonds) ou de financement vert (Green Financing). C'est de loin la forme de financement la plus courante sur le marché public des capitaux.
Les Green Bond Principles de l'international Capital Market Association (ICMA) règlent en détail les utilisations qui peuvent en être faites. Pour le financement par prêt, il existe les Green Loan Principles et les Sustainability Linked Loan Principles, qui ont été publiés par la Loan Market Association (LMA) en 2018 déjà.
Une instance de contrôle vérifie le financement
Une forme plus récente de financement durable définit des paramètres mesurables qui vont intervenir dans le futur et qui seront ensuite observés pendant toute la durée du financement. Si ces paramètres évoluent positivement, les conditions pour l'émetteur s'améliorent et vice versa. On parle alors de Sustainability-Linked Financing.
La définition, le contrôle et la mesure de ces paramètres sont généralement très exigeants. En règle générale, comme dans le cas d'une obligation verte, un organisme de contrôle indépendant est mandaté. Ce que l’on appelle le Second Party Opinion Provider (SPO), ou le Sustainability Agent, peut être considéré comme un organe de contrôle qui évalue le financement pour le compte des investisseurs.
Il y a cependant un élément problématique, car les différents SPO existants peuvent appliquer des méthodologies qui divergent très fortement les unes des autres. Car, pour l'heure, il n'existe toujours pas de standard et de norme uniforme reconnue sur le marché.
Une opportunité de croissance stratégique
En conclusion, les possibilités de financement et d'investissement durables sont donc de plus en plus variées. Elles constituent une formidable opportunité pour la place financière et économique suisse. En outre, le fait que les critères devraient, dans les prochaines années, devenir beaucoup plus clairs, en Suisse également, offre un atout supplémentaire.
Actuellement, différentes approches sont discutées qui visent à créer les meilleures conditions cadres possibles. Fort opportunément, elles sont à l'unisson des développements correspondants en Europe (taxonomie de l'UE pour les activités durables).
Les banques participent activement à cette discussion par le biais des différentes associations professionnelles. L'accent est mis sur un objectif commun: permettre aux entreprises durables d'obtenir des financements intéressants et de participer à un marché en croissance grâce à des transactions qui, en Suisse également, ne cessent d'augmenter.