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Comment les investisseurs subissent et les émetteurs profitent de la faiblesse des taux

La Confédération, Genève, la ville de Zurich mais aussi quantité d’entreprises se financent à des conditions exceptionnellement basses.

Comment les investisseurs subissent et les émetteurs profitent de la faiblesse des taux
17 septembre 2020, 15h20
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L’environnement actuel du marché des capitaux en francs suisses demeure largement en faveur des emprunteurs. Ceux-ci peuvent se (re)financer à des conditions exceptionnelles qui perdurent déjà depuis plusieurs années. La Confédération suisse, qui est l’émetteur sans risque numéro un, se fait même rémunérer en empruntant. C’est ce que l’on appelle de la répression financière pour les investisseurs. Le dernier emprunt obligataire de la Confédération d’une durée d’un peu moins de 14 ans pour un montant de 195,65 millions de francs, a été émis avec un taux d’intérêt de 0,0% mais à un prix de 104,75%, signifiant un rendement annuel de -0,337%. Le Canton de Genève, qui n’est pas un parangon de vertu en matière de gestion et d’endettement, a pour sa part levé cette semaine un emprunt de 480 millions de francs en deux tranches. Il parvient à obtenir un taux de 0,03% sur 10 ans et 0,2% sur 15 ans. La ville de Zurich fait encore mieux avec le lancement d’un emprunt d’une durée de 40 ans pour un volume plus modeste de 150 millions de francs, mais avec un coupon et un rendement initial de 0%.

La Fed étaie la situation actuelle

Le monde marche-t-il sur la tête ? On pourrait le penser au vu de telles conditions ! Lesquelles sont renforcées par la Banque centrale américaine (Fed) qui a annoncé mercredi soir que les taux en dollars pourraient rester au plus bas au moins jusqu’en 2023. Les émetteurs privés en profitent aussi. Swisscom a lancé dernièrement de façon numérique un emprunt 2020/2031 doté d’un coupon de 0,13%. Swissgrid, le gestionnaire du réseau de transport suisse d’électricité, a de son côté émis pour un montant de 125 millions des obligations d’une durée d’un peu moins de 14 ans, pourvues d’un coupon de 0,15% et ayant un rendement initial de 0,13%.    S’agissant des entreprises, on note parmi les emprunts obligataires récents, deux tranches respectives de 250 millions de francs avec des durées et coupons respectifs de 8 et 12 ans et de 0,01% et 0,25%, lancées par le chocolatier Lindt & Sprüngli. Les rendements initiaux ne constituent pas des cadeaux avec 0,01% et 0,247%. Même s’il s’agit d’un excellent débiteur. Le chimiste Lonza et le spécialiste de l’industrie des machines Sulzer viennent aussi sur le marché primaire respectivement à des rendements de 0,18% et 0,65% pour des durées de 6 et 5 ans.    Glencore, le géant des matières premières, a annoncé mardi dernier l’émission d’un emprunt pour montant de 225 millions de francs, d’une durée de 6,5 ans et à un prix d’émission proche de 100,6%. Certes, le taux d’intérêt s’élève à 1,0% et l’écart de rendement avec l’emprunt de la Confédération est de 150 points de base, mais l’entreprise anglo-suisse de négoce, courtage et d’extractions de matières premières, ne représente pas la meilleure adresse dans l’univers des dettes d’entreprise. Une entreprise aurait tort de se priver de telles conditions, sauf si elle s’avère déjà fortement endettée. Le spécialiste du commerce hors taxe Dufry, par exemple, est obligé de procéder à une nouvelle augmentation de capital propre à cause de son endettement pour financer la reprise du reste des actions de sa filiale Hudson. Ce qui est très onéreux car le cours de l’action est tombé très bas et entraîne, de ce fait, l’émission d’un nombre plus élevé d’actions par ce leader mondial.

Longue phase de désinflation   

Les taux d’intérêt au comptant des obligations de la Confédération et d’obligations d’Etat de la zone Europe sont orientés à la baisse depuis le début des années 90. Il en va de même pour celles émises par les cantons et les villes. C’est la traduction d’une longue période de désinflation. Le rendement des obligations fédérales à 10 ans est ainsi passé de près de 4% en janvier 2000 à 0%, voire moins, et reste essentiellement dans le négatif depuis cinq ans. En même temps, celle-ci a conduit à une forte appréciation des actions et des actifs immobiliers. Les autres catégories de débiteurs, à savoir les banques commerciales (y compris les banques cantonales), l’industrie et le commerce, et les débiteurs étrangers (notation A) ont suivi une tendance parallèle à celle des emprunts de la Confédération, d’après la BNS. Cette situation n’est pas sur le point de changer, selon le consensus du marché, qui s’attend à la persistance de taux d’intérêt bas. « Nous ne prévoyons actuellement aucun changement de politique majeur, même si les dépôts à vue continuent d’augmenter, du fait des interventions de la banque centrale suisse sur le marché des changes », commente en particulier Swiss Life Asset Managers dans sa dernière note sur les perspectives. 

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