Philippe D. Monnier
Entrepreneur et administrateur
12 octobre 2020, 10h14
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En annonçant des pertes de 479 millions de francs pour le premier semestre 2020, les CFF ont souligné que le coronavirus avait «frappé de plein fouet». Et ils ont résumé la situation en ces termes : «un tiers de voyageurs en moins, pour des coûts inchangés». C’est dans ce contexte tendu que Vincent Ducrot, CEO depuis avril 2020, a reçu l’Agefi pour passer en revue une multitude de défis auxquels est confronté son entreprise aux mains de la Confédération.
Quels ont été les effets positifs de la pandémie pour les CFF ?
D’une part, il est devenu plus facile de recruter des employés, par exemple des conducteurs de locomotives. D’autre part, cette crise nous a permis d’améliorer notre capacité de travailler en réseau et d’être ainsi plus agiles. Nous avons par exemple pu effectuer un changement d’horaire tous les 15 jours, une opération qui prend normalement plusieurs mois.
Comment faites-vous face au manque de liquidités dû au Covid-19 ?
Le Parlement vient d’approuver un soutien pour les transports publics: les CFF pourraient recevoir des fonds à hauteur de 400 millions de francs pour l’infrastructure, le trafic régional et le trafic des marchandises. De plus, pour garantir la continuité de nos investissements, la Confédération a autorisé une augmentation de nos lignes de crédit qui passent de 200 à 750 millions de francs. (Les CFF ne communiquent pas les taux d’intérêt applicables à ces lignes de crédit, ndlr).
Votre demande de chômage partiel a été rejetée par les autorités cantonales du marché du travail…
Nous avons demandé le chômage partiel pour certains domaines de l’infrastructure, du trafic voyageurs et pour CFF Cargo. Le chômage partiel a été validé pour CFF Cargo et des entreprises ferroviaires privées mais pas pour les CFF. Nous avons interjeté recours contre cette décision, principalement pour des questions d’uniformité de traitement : en effet, certains cantons ont accepté le chômage partiel et d’autres pas.
Et j’ajoute que durant ces vingt dernières années, les CFF ont payé environ un milliard de francs en cotisations chômage. Si nous sommes soutenus par le chômage partiel, les versements des pouvoirs publics pour nos prestations diminueront. Financièrement, cela n’a pas un impact énorme.
Concernant la ponctualité, les CFF ont-ils trop cherché à réduire l’ampleur du problème en travaillant sur la manière de présenter les statistiques ?
Pas du tout. Nous continuons de présenter des statistiques globales, par exemple une ponctualité de 93,6% au premier semestre 2020. Mais pour les clients, cela ne veut pas dire grand-chose. C’est pour cela que nous allons plus dans le détail, en toute transparence avec des données en accès public (voir data.sbb.ch, ndlr). En résumé, la ponctualité est bonne à très bonne dans les lignes régionales, mais moyenne dans les grandes lignes. Pour cette raison, nous avons récemment mis sur pied un groupe d’experts qui analyse en profondeur les causes du problème et comment y remédier.
Concernant votre offre de trains de nuit, vous avez recours au soutien du fond suisse pour le climat. Cette offre écologique est-elle vouée à produire des pertes ?
Les trains de nuit sont un marché très particulier avec des coûts élevés et peu de passagers ; par contre ils sont très efficients écologiquement parlant. Le développement d’une telle offre ne peut se faire qu’avec l’aide du fonds pour le climat. Cela permet de couvrir les coûts d’exploitation élevés de ces trains. Néanmoins, si nous parvenons à atteindre des taux de remplissage suffisants dans nos trains de nuit, nous n’aurons probablement plus besoin d’utiliser ce fonds pour le climat après quelques années.
Suite aux difficultés concernant le «contrat du siècle» attribué à Bombardier, que feriez-vous de différent lors des prochains appels d’offre de cette envergure ?
Dans le cas de ce contrat, les CFF ont acheté un train de conception nouvelle. Bombardier devait développer des nouveaux trains de 400 mètres de long, capables de transporter 1300 passagers et de rouler à plus de 200 km/h. C’était la première fois qu'une entreprise ferroviaire achetait un train de cette conception. On est passé de l’ère des trains mécaniques à celle des trains informatiques. Si cet appel d’offre était à refaire, nous planifierions plus de temps dans le calendrier pour les essais avant de lancer la production.