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En Suisse, le groupe Oddo BHF croît deux fois plus vite

L’associé-gérant d’Oddo BHF, Philippe Oddo, veut développer ses activités d’investissement en Suisse, afin de renforcer la position de son groupe sur le marché de la banque d’affaires dans le pays. Entretien.

Oddo BHF a embauché un total de 20 personnes l’année dernière, ce qui porte à plus de 120 le nombre de collaborateurs en Suisse, sur un total de 2800 dans le monde.
Oddo BHF a embauché un total de 20 personnes l’année dernière, ce qui porte à plus de 120 le nombre de collaborateurs en Suisse, sur un total de 2800 dans le monde.
14 février 2024, 7h00
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Oddo BHF mise sur la Suisse pour soutenir sa croissance. Philippe Oddo, l’associé-gérant du groupe bancaire franco-allemand, y effectue au moins un déplacement par mois. A Zurich, où se trouve le siège de la filiale de BHF; mais aussi à Genève et Lausanne, où le groupe est implanté depuis qu’il a racheté la banque Landolt il y a trois ans. Grâce à cette acquisition, la masse d’avoirs sous gestion d’Oddo BHF atteint aujourd’hui 5,6 milliards d’euros en Suisse. Une taille relativement modeste par rapport à la masse totale du groupe (130 milliards d’euros). En Suisse, des établissements comme UBP à Genève et EFG à Zurich revendiquent respectivement 140 et 145 milliards de francs d’actifs sous gestion. 

Le groupe Oddo BHF exerce à la fois des activités de banque privée, de gestion d’actifs et de banque de financement et d’investissement, dont le poids est plus ou moins équivalent. La Suisse représente 15% de l’activité du groupe en matière de banque privée, mais c’est aussi un marché clé pour les activités de sa banque d’affaires, explique Philippe Oddo. Il donne aussi des premières indications sur la marche des affaires du groupe pour 2023. A titre de comparaison en Suisse, les établissements zurichois Julius Baer et Vontobel ont annoncé des résultats en baisse ce mois, les chiffres du genevois UBP sont en hausse.

A l’occasion de son dernier passage à Genève, l’associé-gérant a reçu L’Agefi dans les locaux de la rue du Rhône, au bout du lac. Entretien.

Des résultats en hausse en 2023 

Le groupe Oddo BHF gère près de 130 milliards d’encours clients. En 2022, malgré une baisse de votre résultat net, vous avez réalisé un produit net bancaire (PNB) en hausse de 727 millions d’euros. Comment s’annoncent vos résultats pour l’année 2023?

Nous n’avons pas encore les chiffres définitifs, mais ce qu’on peut dire, c’est que le PNB du groupe est en hausse. Il va dépasser les 800 millions d’euros en 2023. Le résultat d’exploitation est en hausse également. Les flux ont été positifs pour le groupe, particulièrement au niveau de la banque privée, avec des apports nets de fonds de l’ordre de 3,4 milliards d’euros. Enfin, nos ratios de solvabilité et de liquidités sont largement au-dessus de la moyenne européenne.

Comment expliquez-vous cette performance dans un environnement de marché difficile?

D’abord, les marchés financiers ont tenu le choc et maintenu une performance positive.

Les capitalisations boursières ont augmenté dans certains secteurs précis, tels que la technologie aux Etats-Unis, le luxe en France. Or la performance des marchés est directement corrélée à celle des grandes capitalisations boursières. Nous avons bénéficié également des taux positifs: nos revenus d’intérêt ont progressé, liés à l’augmentation des taux des banques centrales.

Nous sommes actuellement dans une dynamique de croissance de 10% au niveau du groupe et de 20% en Suisse

Philippe Oddo

Une croissance accélérée en Suisse

Avec 5,6 milliards d’euros d’actifs sous gestion, votre activité en Suisse reste encore modeste à l’échelle du groupe. Pourtant le pays représente l’un de vos trois marchés clés. Pourquoi misez-vous sur la Suisse?

Actuellement, la Suisse représente environ 15% du total de notre activité en matière de banque privée. Mais nous projetons de développer aussi nos investissements dans le pays. Nous sommes actuellement dans une dynamique de croissance de 10% au niveau du groupe et de 20% en Suisse. Nous avons embauché un total de 20 personnes l’année dernière, ce qui porte à plus de 120 le nombre de collaborateurs en Suisse, sur un total de 2800 dans le monde. La Suisse est encore notre plus petit marché, parce que c’est le plus récent dans l’histoire du groupe, mais c’est un marché que nous voulons développer, en interne d’abord, et pourquoi pas faire appel à la croissance externe.

Votre groupe était déjà présent depuis plus de 40 ans en Suisse alémanique, via la filiale de BHF à Zurich. L’acquisition de la banque Landolt en 2021 marque votre arrivée en Suisse romande. Pourquoi était-ce important pour vous?

C’était un choix logique. Nous sommes un groupe franco-allemand. Nous étions déjà présents en Suisse alémanique et nous avions vocation à être également présents en Suisse romande. Nous avons saisi l’opportunité du rachat de Landolt, qui était la plus vieille banque de Suisse romande, pour renforcer notre présence dans cette région, afin d’avoir une activité dans les deux principales zones linguistiques du pays. C’est une région très dynamique, dans laquelle nous avons un bassin important de clients d’origine française, dont nous voulions également nous rapprocher.

En Suisse, le groupe Oddo BHF croît deux fois plus vite

Oddo BHF en Suisse était déficitaire avant ce rachat, qu’en est-il aujourd’hui?

Nous sommes profitables en 2023. Les revenus ont crû de plus de 20% et les actifs sous gestion ont augmenté de 14%. Cela nous a permis de renforcer nos effectifs dans le pays. Nous avons déménagé et réunifié nos systèmes informatiques et nos systèmes de back-office pour déployer l’ensemble des compétences du groupe en Suisse.

Avez-vous bénéficié de la chute de Credit Suisse?

L’essentiel des 20 collaborateurs que nous avons recrutés l’an dernier vient de Credit Suisse. Par ailleurs, nous avons récupéré une partie de leur clientèle, notamment des Allemands basés en Suisse, qui sont attachés à la bonne réputation du groupe en Allemagne.

Quelles sont les activités que vous comptez développer précisément en Suisse?

Nous avons déjà une activité de banque privée importante.

Nous voulons aussi renforcer nos compétences dans la gestion d’actifs, où nous proposons déjà des mandats de gestion en dollar et en franc, pour répondre aux besoins de notre clientèle européenne qui cherche à diversifier ses avoirs.

Dans le domaine de la banque d’affaires, Oddo BDH suit actuellement en Suisse 27 valeurs d’une capitalisation boursière totale de 1900 milliards de francs. De larges caps comme ABB, Holcim, Nestlé, Novartis, Lindt & Sprüngli ou Roche.
Dans le domaine de la banque d’affaires, Oddo BDH suit actuellement en Suisse 27 valeurs d’une capitalisation boursière totale de 1900 milliards de francs. De larges caps comme ABB, Holcim, Nestlé, Novartis, Lindt & Sprüngli ou Roche.

Dans le domaine de la banque d’affaires, nous suivons actuellement en Suisse 27 valeurs d’une capitalisation boursière totale de 1900 milliards de francs. Ce sont des larges caps comme ABB, Holcim, Nestlé, Novartis, Lindt & Sprüngli ou Roche. Nous prévoyons d’en couvrir de nouvelles d’ici à la fin de l’année. Cela fera un total de 52 entreprises qui représentent 98% de l’indice boursier en Suisse.

Ce mouvement important va nous permettre de renforcer notre position sur le marché de la banque d’affaires dans le pays.

Vous investissez notamment dans les biotech, pourquoi?

C’est un secteur dans lequel j’ai investi personnellement beaucoup d’argent. Chez Oddo BHF, nous considérons qu’il y a beaucoup d’opportunités dans ce domaine. Accompagner les scientifiques dans la recherche de financements est bénéfique non seulement pour contribuer à soigner des patients, mais aussi pour valoriser les talents et les travaux de ces chercheurs.

Pourtant, les levées de fonds des start-up ont reculé en Suisse l’année dernière, notamment à Genève. Cela ne vous inquiète pas?

Il s’agit d’un phénomène mondial. L’année dernière, il y a eu une baisse importante des valorisations des start-up liée aux difficultés d’accès à la Bourse et à l’augmentation du coût du capital. La recherche de bons investisseurs est donc primordiale pour nous. Mais je suis persuadé que ce n’est qu’une tendance passagère et que celle-ci devrait rapidement s’inverser.

Nous avons créé un fonds spécialisé dans l’IA il y a quelques années déjà, dont la performance a connu une hausse de plus de 40% l’année dernière

Philippe Oddo

Quid de l’intelligence artificielle (IA)?

C’est aussi un secteur dans lequel nous investissons de manière significative. Nous avons créé un fonds spécialisé dans l’IA il y a quelques années déjà, dont la performance a connu une hausse de plus de 40% l’année dernière. Par ailleurs, nous utilisons l’IA dans notre travail de gestion d’actifs. Nous avons une équipe informatique interne de plus de 600 personnes, dont plus de 200 développeurs basés en Tunisie, et des équipes à Sarrebruck en Allemagne, qui travaillent sur les sujets liés notamment à l’intelligence artificielle, à la cybersécurité, au CRM (ndlr: Customer Relationship Management, gestion de la relation client) ou encore aux solutions de paiements en ligne. Et nous avons mis en place une plateforme interne pour gérer nos données.

Un modèle d’affaires spécifique

En Suisse, le groupe Oddo BHF croît deux fois plus vite

Oddo BHF est une entreprise privée qui repose sur l’entrepreneuriat familial et la promotion de l’actionnariat salarié. Pourquoi refusez-vous de céder aux sirènes de la Bourse?

Nous avons effectivement développé notre propre modèle d’affaires chez Oddo BHF, dans lequel la famille possède 65% du capital et les collaborateurs 25% (ndlr: les 10% restants appartiennent à des actionnaires extérieurs). La valorisation de l’entreprise est basée sur l’actif net, assurant ainsi la stabilité du cours. Année après année, notre rentabilité a été positive, générant des bénéfices pour les collaborateurs qui sont également des actionnaires. Avec ce modèle, l’entreprise n’est pas soumise aux contraintes des résultats à court terme, donc elle peut voir l’avenir sur le long terme. Aujourd’hui, nous tenons plus que tout à ces valeurs de sécurité, de stabilité et de visibilité, donc nous n’avons aucun intérêt à rentrer en Bourse.

Si Credit Suisse n’avait pas été cotée, peut-être aurait-elle pu éviter la faillite

Philippe Oddo

N’y a-t-il pas un problème de crédibilité alors que votre banque accompagne des sociétés qui visent l’entrée en Bourse?

Les raisons d’aller en Bourse pour les entreprises sont nombreuses. Certaines ont besoin de fonds propres pour financer leur croissance, d’autres vont pouvoir payer en actions leur politique de croissance par acquisitions rapides, par exemple. Mais cela doit toujours faire partie d’une stratégie déterminée. Pour une entreprise familiale aussi, la cotation en Bourse peut être bénéfique pour soumettre la gouvernance d’entreprise au regard des investisseurs extérieurs. Mais dans le secteur bancaire, qui est très volatil, il faut être prudent avec la Bourse à mon sens. L’exemple de Credit Suisse est intéressant à ce titre: si la banque n’avait pas été cotée, peut-être aurait-elle pu éviter la faillite. L’effondrement du cours de Bourse a amplifié sa chute: il y a vraisemblablement eu un vrai effet autoréalisateur dans ce cas.

Dans votre dernier rapport annuel, vous évoquez la responsabilité sociétale et environnementale des entreprises comme un «enjeu central de notre temps». Dans le cadre du développement de vos activités en Suisse, pourquoi ne pas mettre une personne en charge de cette politique spécifiquement pour le marché helvétique?

Nous développons au niveau du groupe une stratégie globale en matière de responsabilité sociale (RSE) et de développement durable. Nous avons un responsable RSE qui gère la stratégie du groupe et toute une équipe consacrée aux critères environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG). Les collaborateurs de cette équipe développent des critères d’investissement, des recommandations et des projets liés à l’ESG pour l’ensemble des divisions du groupe (la banque privée, la gestion d’actifs, et la banque d’affaires).

Par ailleurs, nous envisageons de créer une fondation en Suisse, comme nous en avons déjà une en France et en Allemagne, pour soutenir des projets liés à l’environnement.