Après une année 2020 difficile, les sous-traitants horlogers font état d'une reprise du secteur. L'ampleur de la relance reste cependant très contrastée et la prudence reste de mise pour les prochains mois, les incertitudes liées notamment au Covid-19 demeurant présentes.
"Il y a une belle reprise et pas seulement un effet de rattrapage, la demande est bien là au niveau de la clientèle finale", affirme à AWP François Billig, directeur général d'Acrotec, en marge du salon EPHJ dédié aux sous-traitants de l'horlogerie et de la micromécanique qui ferme ses portes ce vendredi.
Il y a une belle reprise et pas seulement un effet de rattrapage, la demande est bien là au niveau de la clientèle finale
François Billig, directeur général d'Acrotec
Le groupe de Develier, l'un des plus importants fournisseurs de l'industrie horlogère, espère retrouver d'ici la fin de l'année le niveau de 2019 en termes de chiffre d'affaires. "Nous anticipons des ventes d'environ 300 millions de francs pour l'exercice en cours", relève le patron, tout en soulignant rester prudent.
Acrotec a terminé 2020 sur un repli des ventes d'environ 10%. "Nous avons eu la chance que tous nos secteurs d'activité ne sont pas tombés en même temps l'année dernière", se rappelle le dirigeant dont l'entreprise, comptant environ 1000 collaborateurs, est active également dans les dispositifs médicaux et la micromécanique destinée notamment à l'aéronautique.
Les mesures de chômage partiel (RHT) et le soutien des marques horlogères qui payaient dès la réception des composants ont en outre permis au conglomérat comptant une dizaine d'entreprises de ne pas procéder à des licenciements. "Mais 2020 a été une année très éprouvante", admet-il.
Baisse de volume inéluctable
Dubois Dépraz, également un fournisseur de taille de l'industrie des montres suisses, a pour sa part dû se séparer d'environ 10% de ses employés l'année passée, parallèlement au recours au chômage partiel. L'entreprise familiale compte actuellement approximativement 350 collaborateurs. "Nous avons accusé une baisse du chiffre d'affaires comparable à celle des exportations horlogères", relate le directeur général Pierre Dubois.
Les envois à l'étranger de garde-temps helvétiques ont essuyé une chute de 23% à 16,98 milliards de francs en 2020. Mais sur les sept premiers mois de l'année en cours, les exportations sont quasi-stables par rapport à 2019 et ont rebondi de 49,6% sur un an à 12,7 milliards de francs, grâce notamment au dynamisme des marchés chinois et américain.
Les volumes produits par les manufactures continuent cependant de baisser, les horlogers vendant davantage de montres chères et moins d'unités, ce qui affecte les sous-traitants au bout de la chaîne. "C'est une tendance irréversible à mon avis", estime le représentant de la 4e génération aux commandes de Dubois Dépraz.
Le patron observe cependant une reprise "assez vigoureuse" et s'attend à un exercice 2022 "bien orienté". "Mais nous sommes loin des niveaux de 2019 qui avait été une année record pour nous. Peut-être nous y serons de nouveau en 2023", déclare-t-il.
Pour faire face à l'inégalité de la demande dans les différentes unités du sous-traitant, le personnel travaillant dans les usines est incité à devenir polyvalent, relève M. Dubois dont l'un des défis actuels est de redonner confiance à ses collaborateurs, les incertitudes sur l'avenir de leurs postes ayant pesé les mois derniers.
Reprise à plusieurs vitesses
Pas très loin de la Vallée de Joux, le sous-traitant Vaucher Manufacture, situé dans le Val de Travers, a rebondi assez rapidement, après une baisse de 10% des ventes en 2020, grâce à une clientèle composée surtout de maisons horlogères haut de de gamme dont la reprise est robuste.
2021 va se terminer sur les chapeaux de roue avec une hausse des volumes et une croissance des recettes d'environ 15% par rapport à 2019
Jean-Noël Lefevre, directeur général de Vaucher Manufacture
"2021 va se terminer sur les chapeaux de roue avec une hausse des volumes et une croissance des recettes d'environ 15% par rapport à 2019", confie à AWP Jean-Noël Lefevre, directeur général de l'entreprise aux mains de la Fondation de Famille Sandoz.
Confiant, l'ancien directeur de la production de Vacheron Constantin indique aussi que le cru de 2022 s'annonce meilleur et qu'une dizaine de collaborateurs pourraient être recrutés, comme ce fût le cas cette année. "Nous restons cependant prudents. On engage et on achète des machines en fonction des besoins", met en exergue le CEO, tout en rappelant que des soubresauts sur le marché chinois, le plus important pour l'industrie horlogère, peuvent rapidement se répercuter sur les fournisseurs.
L'entreprise aux 170 employés a par ailleurs renforcé sa rentabilité, assure l'ancien directeur de la production de Vacheron Constantin.
"La reprise des sous-traitants dépend essentiellement des marques horlogères qu'elles servent et moins de leurs produits", résume le directeur de l'EPHJ, Alexandre Catton.
Après une année 2020 très difficile, certains fournisseurs se demandent si "c'est bien de rester seul", fait remarquer M. Billig dont le groupe s'est beaucoup développé grâce à des acquisitions. (AWP)