Les salaires dans le secteur principal de la construction ont augmenté de 1,3% en 2020, selon la dernière enquête de la Société suisse des entrepreneurs (SSE) publiée mardi. La hausse atteint même presque 2% en tenant compte de la baisse des prix à la consommation de 0,6% prévue, pour cette année, par la Banque nationale suisse. Pour rappel, le salaire moyen des contremaîtres s’élève à environ 7850 francs par mois. Et celui des autres travailleurs soumis à la Convention nationale atteint un peu plus de 5900 francs. «Comparés aux salaires des autres secteurs de l’artisanat, ce sont déjà des salaires très élevés», note dans son enquête l’Organisation professionnelle des entreprises du bâtiment et du génie civil, soulignant que l’importante augmentation des salaires en 2020 renforce davantage la pression sur les emplois face aux défis liés à la pandémie. La SSE, représentant plus de 2500 membres, estime que les revendications en faveur d’une hausse générale des salaires pour 2021 sont déplacées, car cela entraînerait une suppression de places de travail. Elle appelle donc les syndicats à participer à un dialogue réaliste pour maintenir l’emploi.
Questions à Martin Maniera, auteur de l’enquête et responsable politique économique à la SSE.
En quoi une nouvelle augmentation des salaires renforcerait-elle la pression sur les emplois dans le secteur principal de la construction?
Les entreprises sont actuellement confrontées à une baisse de leur chiffre d’affaires et des commandes en raison de la crise sanitaire. Elles ont donc déjà des difficultés à générer des revenus. Dans la première moitié de 2020, le secteur a enregistré une perte de 6% du chiffre d’affaires comparé à la même période en 2019. Et nous attendons pour le troisième trimestre une dégradation du chiffre d’affaires d’environ 7 à 8%, toujours par rapport à l’année précédente. Ajouter à cela une croissance drastique des coûts obligerait les entreprises du secteur à réduire le nombre de postes. Elles n’ont pas les moyens d’augmenter les salaires en pleine crise sanitaire pour supporter ces coûts.
Le Centre de recherche conjoncturelles (KOF) prévoit une stagnation dans le secteur de la construction. Même sans la pandémie, ce dernier aurait de toute façon connu un refroidissement. Rejoignez-vous cet avis ?
Une autre publication du KOF estimait que les recettes allaient augmenter dans le secteur de la construction. Certains instituts de recherche prévoient quant à eux que ce secteur va décliner en 2020. Rien n’est noir ou blanc. Il est important de faire une distinction entre la construction de bâtiments et le secteur du génie civil. La SSE est d’avis que les constructions de bâtiments vont stagner, indépendamment du coronavirus, au moins de manière temporaire. Pour ce qui est du génie civil, c’est une autre histoire. On s’attend à une lente mais robuste croissance pour l’année qui suit et également à moyen terme.
Selon les plateformes de recrutement JobCloud et Manpower, des opportunités d'engagements existent dans les domaines de la santé et de la numérisation en pleine crise du coronavirus. Qu’en est-il de la construction?
La SSE a observé que le nombre d’emplois disponibles a connu un coup d’arrêt drastique en mars et en avril. Mais, depuis, le recrutement a repris et des places intéressantes sont en ce moment-même à pourvoir. Mais il est vrai que leur nombre est plus réduit que l’an passé. Le secteur principal de la construction employait 82.000 personnes en juin 2019. Cette année, le nombre d’emplois est de 79.500, soit une diminution de 3,5%. Durant le mois d’octobre, davantage de personnes étaient encore au chômage dans le secteur de la construction que l’an passé. Avec le coronavirus, les entreprises ne savent pas comment l’économie va évoluer. Les clients, y compris la Confédération et les cantons, sont moins enclins à entreprendre des projets de construction. Cela se traduit par une baisse d’emplois. Si l’on augmente les salaires, la perte d’emplois ne sera que plus grande.