Le Conseil fédéral souhaite encourager la réduction volontaire des réserves des assureurs-maladie et le remboursement des primes encaissées en trop dans un projet soumis à consultation. Certains milieux demandent d'aller plus loin avec une obligation, d'autres rejettent l'obligation, voire le projet entier.
Alors que les assureurs fixent leurs primes en se fondant sur les coûts de l'année précédente, les projections pour l'année en cours et les estimations pour l'année suivante, il arrive que les primes payées soient bien plus élevées que les dépenses effectives. La réduction volontaire des réserves des assureurs maladie et le remboursement des primes encaissées en trop doivent permettre de corriger de trop grandes différences entre les primes et les coûts.
Le gouvernement en a fixé les conditions d'application dans la modification de l'ordonnance sur la surveillance de l'assurance-maladie (OSAMal). Ouverte depuis le 18 septembre, la consultation s'achevait vendredi. L'entrée en vigueur est prévue pour juin 2021, avec une première application dans le cadre de l'approbation des primes 2022.
Le Conseil fédéral entend simplifier les conditions nécessaires pour qu'un assureur puisse recourir à une réduction volontaire des réserves. Actuellement, les réserves disponibles après une réduction doivent être supérieures de 50% au niveau minimal fixé par la loi. Avec la révision, seul le niveau minimal devra être respecté.
En outre, les assurés ne doivent pas payer des primes trop élevées et doivent pouvoir bénéficier des réserves excédentaires des assureurs par le biais d'un remboursement après coup. Celui-ci est accordé uniquement aux assurés des cantons où les primes ont nettement dépassé les coûts, selon le projet.
«Insuffisant»
Le comité directeur de la Conférence des directrices et directeurs cantonaux de la santé (CDS) approuve dans son ensemble le projet soumis à consultation. Il constate que les réserves de la plupart des assureurs maladie se situent à un niveau "très élevé" depuis plusieurs années, "ce qui n'est pas conforme à l'esprit et au but de l'assurance-maladie sociale".
Il trouve néanmoins le projet "insuffisant". "La CDS doute de la pertinence d'en rester aux seules incitations et au principe de la réduction facultative", explique Lukas Engelberger, président de la CDS, cité dans un communiqué.
La CDS demande des adaptations, avec des objectifs concrets. Elle souhaite que l'expression "réserves excessives" soit clarifiée et qu'une analyse de l'impact soit réalisée au plus tard quatre ans après l'entrée en vigueur. En outre, elle trouve qu'une modification au niveau de l'ordonnance n’est pas suffisante et qu’une révision de la loi s’impose.
Trop de marge de manœuvre pour les assureurs
Même si elle est "heureuse que le Conseil fédéral se saisisse de la problématique des réserves", la Fédération romande des consommateurs (FRC) indique ne pas soutenir le projet. Il laisse encore trop de marge de manœuvre aux assureurs, d'après elle.
La FRC souhaite que ces derniers soient obligés de restituer "en une fois" la part excédentaire de leurs réserves aux assurés. Elle trouve que la restitution doit être obligatoire, passé un seuil de 105% ou 110% d'excédents.
Sans cette obligation, les assureurs peuvent considérer la restitution des réserves comme un argument de promotion commerciale, et non comme l'application d'une simple clause légale, selon la FRC. Elle demande aussi que les modalités de calcul des primes soient à l'avenir indexé sur les coûts de la santé réels et non sur des projections.
Réserves garantes de stabilité
Curafutura s'oppose à toute obligation en la matière. L'association des assureurs-maladie CSS, Helsana, Sanitas et CPT estime que le caractère volontaire de la réduction des réserves suffit en raison de la concurrence que se livrent les assureurs.
Plus largement, Curafutura soutient le projet de révision. Elle trouve cependant qu'il faut aller plus loin, en permettant une plus grande intégration des réserves dans le calcul des primes des années suivantes. Cela permettrait à la fois de réduire les réserves excédentaires et de faire profiter les assurés de primes plus basses, selon elle.
De son côté, Santésuisse rejette le projet, ne souhaitant pas de réduction des réserves, surtout en période de crise sanitaire. L'association faîtière des assureurs maladie estime que les réserves permettent aux assureurs de conserver une capacité d'action "intacte".
"Grâce aux réserves disponibles, les assureurs maladie ont annoncé très tôt qu'ils n'augmenteraient pas les primes du fait de la pandémie de coronavirus", indique Santésuisse. D'après elle, les réserves sont garantes de stabilité et envoient des signaux rassurants en temps de crise.
"Le montant des réserves doit être décidé par les assureurs en toute connaissance de cause, car ce sont eux qui assument la responsabilité de leur entreprise, et non pas les politiques qui réalisent un diagnostic à distance", souligne l'association faîtière. Et de relever que les réserves ne correspondent "qu'à" quelque trois ou quatre mois de primes, soit au total environ 10 milliards de francs. (ATS)