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Le manque de diversité, la complexité administrative et la peur de l’échec freinent l’inventivité

La Suisse est reconnue comme l'un des pays les plus innovants par les classements, mais a-t-elle de quoi maintenir cette position?

Le manque de diversité, la complexité administrative et la peur de l’échec freinent l’inventivité
Sophie Marenne
L'Agefi - Journaliste
28 septembre 2020, 3h02
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En tête des classements des pays les plus innovants, la Suisse a-t-elle ce qu’il faut pour conserver cette position avant-gardiste? Louise Muhdi, de l’IMD, a trois conseils à cet escient: «Encourager la collaboration. Privilégier la diversité. Promouvoir une approche inclusive.» La biologiste de formation aujourd’hui professeur d’innovation incite à abattre les murs non seulement entre les genres ou les couleurs de peau, mais plus largement entre les secteurs et les compétences. Son collègue Arturo Bris surenchérit: «Pour innover, il est important d’être ouvert à la force de travail à tous les niveaux, pas uniquement les ingénieurs et scientifiques. En effet, les travailleurs venus d’ailleurs vont forcer les talents locaux à se démarquer. Chacun, peu importe où il se situe sur l’échelle socio-économique, apporte avec lui de nouvelles idées.» L’Espagnol incite aussi à veiller à simplifier l’accès au capital. «Le marché helvétiques des actions et obligations est solide. Mais en ce qui concerne le capital d’amorçage et, plus important encore, celui de croissance, la voie des jeunes sociétés est semée d’embuches.» Selon lui, pas moyen de récolter des milliards comme aux Etats-Unis car «le paysage de l’investissement est trop fragmenté.»

Deux défis principaux à relever

Roberto Crotti, économiste au WEF, met quant à lui en lumière deux défis principaux à relever: l’un est la disponibilité des talents, nationaux ou de l’étranger. «Il faut trouver un moyen de continuer à pallier l’absence de talents endémique qui touche le territoire. Si le pays compense jusqu’ici en aimantant les meilleurs cerveaux de l’Europe et du reste du monde, embaucher des travailleurs étrangers semble de plus en plus difficile», avertit-il. L’autre challenge avancé par l’économiste du WEF est le dynamisme d’affaires, «ce qui fait référence aux règles et exigences administratives», explique-t-il. Tant en bureaucratie à affronter pour créer une société qu’en droit de la faillite, «la Suisse doit s’améliorer». Le spécialiste précise que l’économie, devenue plus agile, exige des adaptations plus rapides. «Pour que quelques start-up puissent devenir des acteurs de poids, il faut qu’un grand nombre d’entre elles puissent tenter de concrétiser leurs idées.» Selon le classement de l’organisation basée à Genève, la Suisse se situe au 14e échelon en simplicité administrative. Son confrère de l’IMD joint à ce conseil une recommandation plus philosophique: un changement d’attitude envers l’échec. Surtout depuis la réforme du droit des faillites, entrée en vigueur en 2014. «La régulation est désormais un peu plus proche du système des faillites américain, favorisant la réorganisation et non la liquidation. Ainsi, la proportion d’entreprises insolvables a augmenté de façon spectaculaire, multipliée par un facteur trois, ces dernières années.» Cette croissance, Arturo Bris est certain qu’elle provient d’une plus grande conscience de la possibilité d’échec: «Si vous autorisez les entreprises à s’éteindre et à renaître, c’est un grand moteur d’innovation.»    

Les cimes en vue

Un retour à la première place des classements de compétitivité est tout à fait envisageable pour la Suisse, selon le professeur de l’IMD. «Le problème est que nos compétiteurs sont extrêmement agiles et agressifs. L’intégration des changements régulatoires et technologiques, notamment, se fait trop lentement pour lutter.» Prudence et aversion au risque ne paient plus à l’heure d’une course à l’innovation à laquelle se joignent toujours plus de participants dont beaucoup viennent d’Asie.  Roberto Crotti ajoute qu’un facteur d’incertitude s’ajoute à cette compétition vu le contexte de pandémie mondiale. «Nous ne savons pas pendant combien de temps cette crise pèsera sur le globe.» Frontières fermées, ressources manquantes, relocalisation de certains systèmes de production, l’économiste du WEF prévient: «L’éventuelle reconfiguration des chaînes de valeur pourrait redistribuer les cartes pour de nombreux pays en matière de compétitivité et innovation.» «Notre chance serait de cibler les secteurs qui font notre valeur ajoutée et de construire une stratégie d’innovation nationale en conséquence», ajoute Arturo Bris. Il conseille de capitaliser sur l’excellence helvétique en produits de précision et de la faire rayonner en robotique ou en pharma, par exemple. «Sans oublier les avantages régulatoires et les grandes institutions financières du pays qui peuvent faire de la Suisse un centre mondial des fintech.» >> Lire aussi: La Suisse, championne de l’innovation? Oui, mais pas depuis toujours