Philippe D. Monnier
Entrepreneur et administrateur
01 septembre 2020, 21h48
Partager
Sur le site Internet de Lausanne tourisme, Athletissima est présenté comme «LA manifestation sportive de l’été». Ce grand rendez-vous de l’athlétisme mondial réunit en effet chaque année environ 13.000 spectateurs – sans compter les téléspectateurs du monde entier – venus assister aux exploits de 250 athlètes internationaux.
Mais cette année, Covid-19 oblige, ce meeting d’athlétisme, créé en 1977 et dirigé depuis lors par Jacky Delapierre, n’aura pas lieu. Ou en tout cas pas sous sa forme habituelle. A la place, c’est le 2 septembre au cœur de la ville de Lausanne que l’élite mondiale du saut à la perche féminin et masculin participera à deux épreuves en parallèle.
En plus d’être un événement sportif et un spectacle, Athletissima est aussi une entreprise avec des recettes et des charges. C’est pour aborder ces éléments que Jacky Delapierre a reçu L’Agefi dans les locaux de l’agence générale lausannoise de la Vaudoise Assurance, une entité qu’il a dirigée pendant de nombreuses années.
Durant cette année pandémique, comment vous en sortez-vous?
Le fait d’avoir annulé notre meeting originalement prévu au mois d’août nous coûte environ un million de francs. On s’en sort mais c’est très compliqué car nous n’avons pas le droit de constituer des réserves. En effet, comme nous percevons des subventions de la part du canton de Vaud et de la ville de Lausanne, nous sommes tenus de leur verser nos gains éventuels.
Néanmoins, grâce à la générosité de nos sponsors habituels et aux instruments du type chômage partiel, nous avons pu garder nos cinq salariés et nos mandataires externes, y compris nos ambassadeurs, en l’occurrence les athlètes Mujinga Kambundji, Sarah Atcho et Lea Sprunger.
Quid de votre mini-événement de saut à la perche qui aura lieu le 2 septembre en pleine ville de Lausanne?
Comptablement, nous avons sorti ce «city event» de nos opérations normales. Presque tous nos sponsors habituels soutiennent cet événement gratuit et nous avons pu lever la somme de 404.000 francs, droits télévisés y compris.
A notre surprise, cela a été plus facile que prévu car nos sponsors disposaient de montants qui avaient été approuvés l’année passée alors que presque tous les événements prévus cette année ont été annulés...
Grâce aux fonds levés, nous avons pu attirer les meilleures sauteuses et sauteurs à la perche du monde et les compétitions seront retransmises dans les télévisions de plus de vingt pays. Et s’il y a des records, ils seront normalement homologués.
Dans les années «normales», vos recettes sont comprises entre 4.5 et 5 millions de francs. Avec quelle ventilation?
Grosso modo, le sponsoring s’élève à 2,5 millions et cela inclut les soutiens du canton de Vaud et de la ville de Lausanne. Quant aux droits télévisés (respectivement la billetterie), ils génèrent des recettes d’environ 1.5 million de francs (respectivement d’environ 700.000 francs). Contrairement aux événements ponctuels du type championnat du monde de cyclisme sur route, Athletissima n’est pas au bénéficie d’une garantie d’Etat.
Normalement, environ 3000 VIP sont invités par vos sponsors. A l’instar d’un grand prix automobile de Formule 1, souhaitez-vous qu’Athletissima soit «le lieu pour voir et être vu»?
Force est de reconnaître que les VIP invités ne sont pas, dans leur grande majorité, des connaisseurs de l’athlétisme mais notre meeting représente une excellente opportunité de réseautage. Au contraire du football, il y a toujours quelques moments creux pour échanger voire faire des affaires. En plus, les épouses apprécient tout particulièrement cet événement.
Comment évolue le nombre de spectateurs présents sur le stade de la Pontaise?
Ce nombre est très stable et il oscille autour de 13.000 personnes pour une capacité maximale de 13.800 places.
Quid de vos principales charges?
Notre plus grande dépense consiste à rémunérer les athlètes. Sur ce point, il faut savoir que seulement une trentaine d’athlètes dans le monde gagne bien leur vie. En Suisse, je dirais qu’au plus cinq à dix athlètes peuvent plus ou moins vivre de l’athlétisme durant leur carrière sportive.
Quelle est la raison sociale de l’entité légale organisatrice d’Athletissima?
Nous sommes une association – non inscrite au registre du commerce – qui répond au nom d’Association Athletissima. Nous ne sommes pas imposés car nous avons été déclarés d’intérêt public. Notre association est gérée par un comité de sept personnes, présidé par le représentant de notre fiduciaire. Pour éviter tout soupçon de malversations financières, je n’ai pas le droit de signature, même en ma qualité de directeur exécutif (CEO).
Notre association emploie cinq salariés. Dans mon cas, mes frais sont remboursés mais j’ai toujours conservé mon emploi d’agent général à Lausanne pour la compagnie d’assurance La Vaudoise Assurances, jusqu’à ma retraite il y a quelques années.
Quelles ont été les principales synergies entre Athletissima et votre travail pour La Vaudoise Assurance?
A vrai dire, elles ont été multiples. Athletissima m’a apporté de la notoriété personnelle et cela m’a ouvert beaucoup de portes. La Vaudoise a par exemple pu gagner de nouveaux gros clients comme le Comité international olympique.
Est-ce qu’Athletissima est un événement pérenne, y compris après le retrait de Jacky Delapierre?
Certainement. Les droits télévisés ont déjà été acquis par la société chinoise Wanda (par le biais de sa filiale suisse Infront Sports & Media) pour une période allant jusqu’en 2030. De plus, le partenariat avec UBS est scellé jusqu’en 2022. Connaissez-vous beaucoup d’événements dont la majorité des rentrées financières est assurée pour plusieurs années à l’avance? En plus, je m’assure que mes collègues soient bien introduits auprès de mes divers interlocuteurs (athlètes, sponsors, etc.).