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Interpharma: «Nous exigeons un accès plus rapide des patients aux nouveaux médicaments»

Toutes les thérapies les plus innovantes ne peuvent pas être mises à la disposition des Suisses. La faîtière Interpharma, voit une solution dans son modèle de remboursement flexible et prend position au sujet des mesures mises en place par le conseil fédéral afin de freiner l’augmentation des coûts de la santé.

René Buholzer, le CEO d'Interpharma, n'accepte les baisses tarifaires que si elles profitent aux patients.
René Buholzer, le CEO d'Interpharma, n'accepte les baisses tarifaires que si elles profitent aux patients.
06 octobre 2020, 17h37
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La Suisse est à la pointe de l’innovation, avec la production des thérapies les plus innovantes. Mais toutes ne peuvent pas être mises à la disposition des Suisses, à cause du retard pris par l’OFSP à autoriser l’inscription des nouveaux médicaments dans la liste des spécialités remboursées par l’assurance maladie obligatoire (AOS). Interpharma, association de 23 entreprises pharmaceutiques suisses pratiquant la recherche, voit une solution à ce problème dans son modèle de remboursement flexible et prend position au sujet des mesures mises en place par le conseil fédéral afin de freiner l’augmentation des coûts de la santé à la charge de l’AOS. Entretien à Bâle avec René Buholzer, CEO d’Interpharma. Le Conseil fédéral a présenté successivement une série de mesures pour abaisser les coûts de la santé. Jusqu’à quel point les modèles de remboursement que prône Interpharma peuvent-ils être intégrés dans ce programme ?  Ces mesures se subdivisent en deux volets. Le premier volet est actuellement examiné au Parlement alors que le deuxième est en consultation auprès des acteurs concernés. Nous estimons, comme le gouvernement, que le premier volet doit contenir un article sur les projets pilotes. Afin de permettre de mener et de poursuivre des programmes innovants de maîtrise des coûts en dehors du cadre «normal» de la LAMal. Nous nous sommes cependant toujours opposés au caractère restrictif de la liste de médicaments établie à cet effet par le Conseil fédéral. Car nous estimons que les projets pilotes et l’innovation doivent être libres du point de vue de leurs résultats : si l’on restreint le champ de ces résultats par avance, il n’y a plus d’innovation. Nous pensons notamment que notre système de santé a besoin d’un grand nombre d’innovations dans le domaine de la numérisation, en particulier au niveau des données de santé, au vu de l’importance que prennent ces données pour la recherche scientifique. Cette transformation est cruciale pour la Suisse comme centre de recherche mais aussi pour les patients, avec le développement très rapide de la médecine personnalisée. Quelles sont les mesures que vous soutenez et celles que vous récusez ? Nous nous inquiétons tout particulièrement des effets de l’article 32 al. 3 de la LAMal pour l’examen différencié des critères d’efficacité, d’adéquation et d’économicité (critères EAE). Alors que cet article faisait partie du 2e volet de mesures pour lesquels la consultation est toujours en cours, il a été introduit dans le volet 1b. Le Conseil fédéral entend se donner une compétence générale et agir à sa guise sur les tarifs de toutes les prestations de la LAMal sans en référer au législateur. Ce qui constitue pour nous un élément inacceptable. D’autant que cela renforcerait une tendance qui nous inquiète : nous sommes de plus en plus confrontés en Suisse à des problèmes d’accès des patients aux dernières thérapies. D’où cette situation paradoxale pour une Suisse à la pointe de l’innovation, avec la production des thérapies les plus innovantes. Toutes ne peuvent cependant pas être mises à la disposition des Suisses. Depuis 2016, l’Office fédéral de la Santé (OFSP) parvient de moins en moins à répondre dans les délais fixés, soit 60 jours, à l’exigence de fixer un tarif de référence pour les médicaments agréés par Swissmedic, afin que les caisses maladies puissent rembourser ces médicaments. En 2019, 23% seulement des produits pour lesquels une demande de remboursement a été déposée ont été intégrés dans la liste des spécialités dans les délais prévus par l’ordonnance. 136 dossiers sont ainsi actuellement en suspens à cet égard. Si le monde politique ne s’est pas ému de cette situation c’est, dites-vous, parce que la législation prévoit une clause d’exception très favorable, l’article 71, qui permet la prise en charge du médicament après avis d’un médecin-conseil ? Cet article est de plus en plus utilisé. Mais ce mode opératoire présente de nombreux inconvénients. Premièrement, les médecins concernés doivent étayer leur argumentation et remplir des documents à cet effet. Tout cela occasionne une immense bureaucratie. Deuxièmement cela ne favorise pas l’accès équitable (rechtsgleich) promis aux Suisses par l’assurance obligatoire des soins (AOS). Pour bénéficier d’un nouveau médicament contre le cancer approuvé par Swissmedic mais ne figurant pas sur la liste des spécialités, il faut trouver un médecin disposé à argumenter gratuitement pour adresser la demande. Il faut aussi avoir la chance de se trouver dans un canton et auprès d’une caisse maladie favorables. Un article d’exception ne doit pas devenir la règle. C’est la raison pour laquelle nous exigeons un accès plus rapide des patients aux nouveau médicaments. Et dans le deuxième volet de mesures ? Dans le cadre des solutions que nous avons proposées, nous estimons que l’OFSP devrait initier ses processus d’évaluation plus tôt, parallèlement, du moins en partie, à l’évaluation de Swissmedic et avant que celle-ci ne soit achevée. En clair : nous ne soutenons les modèles de prix proposés dans le cadre du volet 2 que si les patients peuvent accéder aux nouveaux médicaments dès l’autorisation de mise sur le marché par Swissmedic. Il n’est pas question d’accepter des baisses tarifaires si les patients ne peuvent pas en profiter. Quel impact sur l’évolution des coûts des médicaments peut-on attendre du modèle tarifaire que vous prônez ? Cela va dépendre de l’orientation finale de la législation. Nous entendons être évalués à l’aune des avantages apportés par les médicaments, soit du rapport avantages/coûts. Alors que les deux volets de mesures proposés par le Conseil fédéral ne considèrent que les coûts, sans prendre en compte la qualité, un critère sur lequel notre système de santé doit davantage mettre l’accent à notre sens. Pour mieux prendre en compte les effets des nouveaux médicaments. Et des économies de coûts, y compris au plan social, qu’ils peuvent induire pour la société. C’est une approche sur laquelle l’assurance invalidité met davantage l’accent que les assurances maladie.

«Nous aurons besoin d’une alliance étendue pour obtenir l’accord cadre »

Alors que le secteur financier cherche encore sa voie pour l’accès au marché européen, pour le secteur pharmaceutique, que vous représentez, il s’agit plutôt de préserver les bonnes conditions d’accès actuelles, celles qui font de la pharma le principal contributeur aux exportations suisses ? Notre industrie en Suisse se trouve certes dans une position favorable puisqu’elle bénéficie d’une équivalence et d’un accès au marché de l’Union européenne. Mais le monde et l’UE évoluent dans un cadre dynamique et il faut pouvoir s’adapter. Si le secteur pharmaceutique n’est pas exposé à une menace aigue particulière, nous sommes confrontés, au niveau des pôles d’innovation multisectoriels (cluster), aux problèmes d’équivalence auxquels doit faire face notre industrie des dispositifs médicaux (medtech) ou notre législation pour la protection des données, décisive pour nos multinationales. Le cluster que forment nos grands laboratoires pharma avec l’industrie medtech, les universités et les biotech reste toutefois attractif pour la Suisse en matière d’innovation et de développement. Il y a une convergence d’intérêts entre l’industrie des médicaments et celles des dispositifs médicaux ou des biotechnologies, mais les intérêts de ces deux derniers secteurs sont défendus par des faîtières qui leur sont propres. Pour notre branche, la relation avec l’UE reste une priorité majeure. Sans relations réglementées avec l’Europe, la place forte de la pharma qu’est devenue la Suisse au niveau de la recherche et de la production ne pourrait pas tenir son rang. D’où votre fort engagement pour un accord institutionnel avec l’UE, malgré les réticences de responsables politiques et de représentants de certaines branches? Fondamentalement, c’est une question qui relève de l’UE. L’enquête sur l’Europe que nous réalisons tous les ans montre que les Suisses sont favorables à la voie bilatérale et au statu quo, sans vouloir adhérer à l’UE ni renoncer aux bilatérales. L’UE a été claire et cohérente jusqu’ici pour considérer que l’accord cadre est le seul moyen de les maintenir. Il convient par conséquent régler les questions clés en suspens qui doivent encore l’être. D’autant que cet accord cadre doit aussi être approuvé par le Parlement et par le peuple. Mais il faut faire preuve de réalisme, si nos enquêtes montrent clairement que le peuple suisse est favorable à un accord cadre, nous aurons besoin d’une alliance étendue pour l’obtenir, depuis la gauche à la droite, comme le week-end dernier. Nous attendons par conséquent du Conseil fédéral qu’il assume le rôle qui lui revient dans le pilotage de ce programme. Nous avons besoin d’une mise à jour des relations bilatérales.