• Vanguard
  • Changenligne
  • FMP
  • Rent Swiss
  • Gaël Saillen
S'abonner
Publicité

Grève à Genève Aéroport: les trois sujets de la discorde

Le conseil d’administration a validé jeudi la nouvelle politique de rémunération. Les syndicats ont donc confirmé faire grève vendredi matin. Passage en revue des points de désaccord.

Jeudi matin, avant que la décision ne soit rendue par le Conseil d'administration, 250 employés opposés à la nouvelle politique de rémunération ont manifesté sur le parking de l’aéroport.
KEYSTONE
Jeudi matin, avant que la décision ne soit rendue par le Conseil d'administration, 250 employés opposés à la nouvelle politique de rémunération ont manifesté sur le parking de l’aéroport.
29 juin 2023, 17h00
Partager

Des employés de Genève Aéroport s’apprêtent à entrer en grève pour la première fois vendredi. Le conseil d’administration de l’établissement public autonome a en effet validé ce jeudi en fin de matinée la nouvelle politique de rémunération. Un système qui avait rencontré la semaine dernière l’opposition de plus de 300 salariés rassemblés en assemblée générale, à l’appel du Syndicat des services publics du trafic aérien (SSP), sur environ un millier d’employés. «Cette réforme est injustifiée et opaque, donc nous ne pouvons pas l’accepter en l’état», précise à ce sujet le secrétaire général du SSP, Jamshid Pouranpir, en déplorant une mauvaise communication avec la direction.

Dans la foulée de son approbation, une partie des employés opposés à cette nouvelle grille salariale a annoncé vouloir faire grève de 4h à 10h ce vendredi 30 juin. L’aéroport a ensuite déclaré qu’il n’y aurait ni décollage, ni atterrissage entre 6h et 10h. La suite du mouvement syndical sera décidée dans un deuxième temps. Si l’aéroport a déjà vécu des grèves liées à des entreprises externes, ça n’avait jamais été le cas des employés de l’établissement. La direction dit regretter l’évolution de la situation à l’orée des vacances estivales et vouloir limiter les perturbations, mais n’exclut pas un arrêt temporaire du trafic.

Nous n’avons jamais pu discuter du système en soit étant donné que, dès le départ, les syndicats ont mis en doute les raisons qui nous ont poussé à proposer ce projet

André Schneider, directeur de Genève Aéroport

«Nous n’avons jamais pu discuter du système en soi, étant donné que, dès le départ, les syndicats ont mis en doute les raisons qui nous ont poussés à proposer ce projet», déplore auprès de L’Agefi le directeur de Genève Aéroport, André Schneider. Face aux prévisions de croissance stagnante, l’établissement aéroportuaire ne peut plus se permettre d’avoir une progression salariale dépassant le double de l’évolution attendue du chiffre d’affaires, explique-t-il, en évoquant une augmentation annuelle automatique de 2,5%, associée au renchérissement ainsi qu’à la prime de fidélité prévue par les statuts. C’est cette progression salariale que la direction affirme ne plus pouvoir garantir aujourd’hui.

En début de semaine, Genève Aéroport a présenté les grandes lignes de sa réforme qui veut «piloter l’évolution des charges salariale, en adéquation avec la progression de ses revenus». La direction promet qu’il n’y aura pas de baisse de salaire et que les primes de fidélité acquises seront maintenues. A court terme, la nouvelle politique de rémunération se traduira par une augmentation de salaire pour environ 250 employés, «dont l’expérience professionnelle n’a pas été suffisamment prise en compte au moment du recrutement ou de la promotion». Sur le long terme, les augmentations seront gelées pour 240 employés, dont une majorité touche déjà le plafond maximum des primes, précise André Schneider. Mais les syndicats n’ont pas la même lecture du projet et plusieurs points de désaccords persistent.

1. Augmentation des charges salariales

Pour Jamshid Pouranpir, la suppression de ces différentes primes, qui peuvent représenter parfois l’équivalent d’un 13e salaire, représente bel et bien une baisse de salaire. Et il ne croit pas que l’augmentation des charges salariales puisse mettre en danger l’aéroport aujourd’hui. «Nous ne sommes absolument pas convaincus que l’évolution salariale actuelle soit problématique. Et nous n’avons jamais été réellement informés à ce sujet», explique-t-il, en sommant la direction de donner «des preuves chiffrées» de ce qu’elle avance. Selon ses calculs, les charges salariales n’auraient augmenté que de 0,3% depuis 2015, affirme-t-il pour sa part, en se référant aux derniers rapports annuels.

Nous ne sommes absolument pas convaincus que l’évolution salariale actuelle soit problématique pour Genève Aéroport

Jamshid Pouranpir, Secrétaire général du SSP

La direction réfute ce chiffre et se réfère au mandat donné par le président du conseil d’administration, Pierre Bernheim. «En mars, les membres de notre conseil ont fait la même analyse de l’incompatibilité de l’évolution salariale avec la progression économique de l’entreprise et nous ont sommés de faire une proposition d’un nouveau système salariale qui réponde à ce défi», précise André Schneider.

2. Bénéfices et dette

A la situation financière difficile évoquée par la direction de l’établissement, le responsable syndical oppose le bénéfice net de 60 millions de francs réalisé par Genève Aéroport en 2022. Un chiffre qui pourrait atteindre jusqu’à 100 millions cette année, selon ses informations. L’établissement public préfère évoquer un bénéfice net 46,3 millions de francs pour l’année écoulée, après rétrocession à l’Etat de Genève. Pour 2023, sa direction table plutôt sur un chiffre «similaire».

Par ailleurs, André Schneider évoque des investissements à hauteur de 1,7 milliard de francs jusqu’en 2034 pour financer notamment les travaux de rénovations du terminal principal ou le raccordement au réseau d’hydrothermie GeniLac qui permettra de réduire les émissions CO2 de la plateforme de 60%. Ces investissements vont augmenter la dette de l’établissement, explique-t-il. «Aujourd’hui, tout notre bénéfice passe directement dans la réduction de cette dernière.»

3. Législation et financement

Pour justifier la nouvelle politique salariale, le directeur général rappelle aussi que Genève Aéroport n’est pas un établissement subventionné et qu’il est régi par la Loi sur l’aéroport international de Genève (LAIG). «Celle-ci stipule que nous sommes contraints de couvrir nos coûts avec nos revenus. On ne fait qu’appliquer la législation», affirme André Schneider. Pendant la crise du Covid, le Conseil d’Etat était prêt à injecter 200 millions de francs, se souvient pourtant Jamshid Pouranpir, en précisant que cette décision avait été approuvée par les députés. «Et maintenant, on explique que c’est justifié de baisser les salaires», lance le responsable syndical, qui ne contient pas sa colère.

De son côté, Genève Aéroport tient à rappeler que l’essentiel de ses effectifs a pu être maintenu pendant la crise sanitaire, en leur garantissant l’intégralité de leur salaire bien que l’activité ait été réduite. Par ailleurs, la direction affirme avoir répercuté́ l’augmentation du coût de la vie par un paquet de mesures équivalent à 5,4% d’augmentation des salaires entre novembre 2022 et janvier 2023. «J’attends qu’on me le prouve», répond le responsable syndical pour qui «la confiance est rompue avec la direction de l’aéroport».

La direction et les syndicats s’accordent sur un point: cette grève pourrait coûter très cher à l’établissement aéroportuaire.

Comment sont désignés les membres du conseil d’administration?

La nouvelle politique de rémunération de Genève Aéroport, approuvée jeudi en fin de matinée, est dénoncée par une partie des employés qui font grève ce vendredi. Présentée par la direction, cette réforme a été votée par le conseil d’administration qui compte 22 membres depuis le 1 juillet 2022. Qui désigne les membres de l’organe de surveillance de Genève Aéroport, établissement public autonome genevois dont les revenus doivent couvrir les coûts? Son organisation est régulée par la Loi sur l’Aéroport international de Genève (LAIG).

Au sein du conseil d’administration: sept personnes sont désignées par le Grand Conseil, issues de chaque parti politique; cinq sont désignées par le Conseil d’Etat, dont l’actuel président de l’organe de surveillance, Pierre Bernheim.

Deux personnes sont membres des conseils administratifs des communes du Grand-Saconnex et de Meyrin. Deux autres membres sont désignés en leur sein par les Conseils administratifs de deux communes genevoises sur le territoire desquelles s’étendent les zones de bruit de la plateforme aéroportuaire, désignées par le Conseil d’Etat. Il s’agit des communes de Bellevue et de Satigny.

Quatre autres personnes sont désignées par le Conseil d’Etat: deux membres sur proposition de la Conférence des chefs des départements de l’économie publique de la Suisse occidentale et deux autres sur proposition des présidents des conseils généraux des départements français limitrophes.

Trois membres sont élus par le personnel de l’établissement sur les 22 membres. Un architecte, un sapeur-pompier ainsi qu’un planificateur stratégique, membre du PLR par ailleurs.