Certaines marques horlogères suisses retrouvent des couleurs après la débâcle vécue en 2020 en raison de la pandémie de coronavirus. Bien qu'optimistes, les dirigeants de Bulgari, Oris et Maurice Lacroix demeurent prudents, une détérioration de la situation sanitaire pouvant remettre en question les progrès réalisés ces derniers mois.
"Nous sommes confiants de pouvoir atteindre cette année les niveaux de 2019", indique à AWP le directeur de la division horlogerie de Bulgari, Antoine Pin, en marge du salon horloger Geneva Watch Days, se tenant du 30 août au 3 septembre.
En 2020, comme nombre de ses consoeurs, la société a essuyé un fort recul de son chiffre d'affaires, la crise sanitaire ayant entraîné la fermeture de la manufacture, des boutiques au niveau global mais également la disparition de la plupart des touristes, une clientèle importante pour le secteur du luxe.
Chute des exportations
Les exportations horlogères suisses ont chuté en 2020 de presque 22% à 16,98 milliards de francs. Cet indicateur-clé de la branche est sur les sept premiers mois de l'année quasiment stable (+0,8%) par rapport à la même période en 2019, et elles ont bondi de 49,6% sur un an à 12,7 milliards de francs.
Le lancement de la collection Aluminium l'année dernière a aidé à doper les recettes de Bulgari. "Le modèle, coûtant entre 3000 et 4000 euros, soit notre entrée de gamme, soutient aussi nos volumes", souligne le patron dont le prix moyen des montres fabriquées notamment à Saignelégier oscille autour des 10'000 francs.
Le travel retail, qui contribuait de manière significative aux recettes, reste à un niveau très bas
Le directeur de la division horlogerie de Bulgari, Antoine Pin, en marge du salon horloger Geneva Watch Days
Une dizaine de collaborateurs ont en outre été engagés par la filiale du groupe français LVMH ces derniers mois pour porter cette augmentation de production. Mais tous les signaux ne sont pas encore au vert, avertit M. Pin. "Le travel retail, qui contribuait de manière significative aux recettes, reste à un niveau très bas. Actuellement, il ne représente que le tiers de 2019", affirme-t-il.
Changements d'habitudes
Même son de cloche chez l'horloger Oris, basé dans le canton de Bâle-Campagne, à Hölstein. "Nous avons déjà atteint les niveaux de 2019, grâce notamment à la forte demande de nos montres comprenant notre mouvement maison, le calibre 400", relève Rolf Studer, le co-directeur général.
Par ailleurs, les Etats-Unis et la Chine ont fortement contribué à la croissance en 2021 de Bulgari et Oris. "Les préférences des Chinois ont beaucoup changé ces derniers deux à trois ans. Maintenant, ils aiment aussi les montres sportives au diamètre plus grand, telles que nous fabriquons", met en exergue le responsable d'Oris.
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— SGiroud (@GiroudStephanie) September 1, 2021
L'Empire du Milieu est en outre devenu le principal marché d'exportation des montres helvétiques, les concitoyens de Xi Jinping faisant leurs emplettes chez eux faute de pouvoir voyager à l'étranger en raison des restrictions sanitaires.
Pour l'horloger Maurice Lacroix, dont les ventes sont aussi légèrement au-dessus de 2019 sur la même période, c'est l'Europe, qui alimente principalement la croissance qualifiée de "lente" par son directeur Stéphane Waser. "La clientèle locale en Europe a toujours été une de nos principales cibles", souligne l'ancien cadre de Novartis.
Malgré l'amélioration de la situation globale, M. Waser met en exergue que l'Allemagne, un des principaux marchés de la manufacture de Saignelégier, est au ralenti. "Les différentes fermetures de magasins cette année, dues à la pandémie, ont pesé sur la marche des affaires et le moral des consommateurs", explique-t-il.
Avant le Covid, on nous achetait davantage de montres à 1000 francs et maintenant nous sommes plus à 3000
Stéphane Waser, directeur de Maurice Lacroix
Maurice Lacroix, dont le prix moyen des garde-temps se trouve entre 1000 et 3000 francs, a observé l'année dernière un changement de préférence chez ses clients "Avant le Covid, on nous achetait davantage de montres à 1000 francs et maintenant nous sommes plus à 3000", a confié à AWP M. Waser qui attribue cette hausse au fait que les gens se sont habitués à acheter des produits d'un certain montant sur Internet.
La marque jurassienne a généré 30% de ses recettes via le commerce en ligne en 2020. "Cela inclut aussi les ventes réalisées sur les plateformes de nos détaillants", précise celui qui a commencé sa carrière chez Tag Heuer.
Oris pour sa part enregistre 5 à 10% de son chiffre d'affaires sur la toile.(Lassila KARUTA-AWP)