Credit Suisse n'en a pas fini de faire face aux conséquences de la déconfiture de Greensill et d'Archegos. Après avoir encaissé, comme attendu, une perte au premier trimestre, la banque zurichoise poursuit le dénouement de ses investissements dans ces deux sociétés.
Les analystes n'ont pas pris de pincettes pour illustrer la performance du numéro deux bancaire helvétique en début d'année. "Au lieu d'afficher des résultats records grâce à l'activité sur le marché des capitaux, à l'instar de certains homologues américains, Credit Suisse a encaissé une perte au premier trimestre", ont résumé les analystes de Vontobel dans une note.
La Banque cantonale de Zurich (ZKB) a également vivement critiqué la contre-performance de Credit Suisse, estimant que la banque avait bénéficié "d'un solide vent en poupe" mais avait "quand même plombé le trimestre". "Un trimestre, qui a priori était porté par un produit et des afflux plus élevés qu'escomptés et où tous les indicateurs étaient dans le vert, a été totalement anéanti par deux litiges", ont-ils souligné.
De fait, l'établissement des bords de la Limmat a enregistré entre janvier et fin mars un résultat avant impôts négatif de 757 millions de francs, après un résultat positif de 1,2 milliard un an plus tôt. La banque avait averti début avril que la débâcle du fonds spéculatif américain Archegos allait se traduire par une charge de 4,4 milliards de francs, un montant confirmé.
Conséquence de cette affaire, ainsi que de celle liée à la société financière britannique Greensill, désormais en faillite, le résultat net a chuté dans le rouge à 252 millions de francs, selon un communiqué publié jeudi. Au premier trimestre 2020, le groupe avait inscrit un bénéfice net de 1,3 milliard.
Afflux d'argent en hausse
La perte nette est cependant moins mauvaise que les -722 millions de francs anticipés en moyenne par les analystes interrogés par AWP et le résultat avant impôts est supérieur aux -900 millions communiqués par Credit Suisse début avril.
Au deuxième trimestre, la direction s'attend à un impact résiduel de 0,6 milliard de francs lié à la débâcle du fonds d'investissement américain Archegos. La banque affirme s'être séparée de 97% des positions financières du fonds.
Hors ces investissements hasardeux, la banque a enregistré une activité solide, en témoignent un produit net en hausse de 31% à 7,6 milliards de francs et des afflux nets d'argent nouveau de 28,4 milliards, contre seulement 5,8 milliards au premier trimestre 2020. Les avoirs sous gestion ont quant à eux enflé de 6% par rapport à la fin de l'année dernière à 1600 milliards.
Credit Suisse affiche toujours une capitalisation solide. Mesurée à l'aune des fonds propres durs (CET1), le ratio s'établissait à 12,2%, en baisse de 0,7 point par rapport à fin 2020. L'établissement de la Paradeplatz a néanmoins décidé de renforcer davantage ses fonds propres avec l'émission de deux obligations convertibles qui devraient permettre de lever environ 1,7 milliard de francs.
L'activité devrait retourner à "des niveaux plus normaux" dans les trimestres à venir, avec une activité stable dans la gestion de fortune et un ralentissement pour la banque d'affaires. Les fonds propres durs de la banque devraient remonter à environ 13%.
Arrivée prochaine du nouveau président
Dans l'immédiat, Credit Suisse s'emploie à rembourser les investisseurs des fonds liés à Greensill Capital. "Nous ne sommes pas au bout du tunnel avec Greensill", a admis le directeur général Thomas Gottstein. "Nous travaillons avec tous les partis impliqués pour collecter l'argent", ce qui va prendre plusieurs mois, a poursuivi le patron.
Et les ennuis s'accumulent pour la banque. L'Autorité fédérale de surveillance des marchés financiers (Finma) a ouvert une enquête ("enforcement") à l'encontre de Credit Suisse pour analyser "les indices de manquements dans la gestion des risques".
Aux Etats-Unis, le groupe se trouve confronté à une plainte du fonds de pension américain City of St. Clair Shores Police & Fire Retirement System. Et d'autres plaintes pourraient suivre.
Ces affaires interviennent alors que le nouveau président, le Portugais António Horta-Osório, doit être intronisé le 30 avril par l'assemblée générale. L'arrivée de l'actuel patron de la banque britannique Lloyds, qui succède à Urs Rohner, sera l'occasion de passer en revue l'ensemble des activités, et notamment la gestion d'actifs, au coeur de la tourmente, a souligné M. Gottstein.
Dans l'immédiat, Credit Suisse va nettement réduire l'activité à risques avec les fonds spéculatifs, le "Prime Brokerage", ce qui se traduira par une baisse de 35 milliards de francs des positions à risques dans la banque d'affaires. (awp)
Credit Suisse émet deux prêts pour renforcer ses fonds propres
Afin de renforcer ses fonds propres, Credit Suisse a émis deux emprunts convertibles qui pourront être échangés contre 203 millions de titres du numéro deux bancaire helvétique. Ces titres de dette ont été placés auprès d'investisseurs institutionnels et des particuliers très fortunés. Le montant levé n'est pas divulgué.
Le premier convertible, représentant un volume potentiel de 100 millions de titres, a déjà été directement placé dans son intégralité, indique jeudi le géant bancaire. Pour le second, échangeable contre un total de 103 millions de nominatives, un droit de souscription est prévu pour les actionnaires de Credit Suisse, malgré un placement préliminaire auprès des institutionnels et particuliers susmentionnés.
La banque aux deux voiles assure que la capitalisation demeure solide, malgré ces deux émissions. Le ratio de fonds propres CET1 s'est fixé à 12,2% au terme du premier trimestre, tandis que le ratio de levier a atteint 3,8%. Les montants levés grâce à ces emprunts vont permettre de renforcer ces indicateurs respectivement à environ 13% et à 4% minimum, précise le communiqué. (awp)
Credit Suisse règle une affaire liée aux créances hypothécaires
Credit Suisse a clos un autre dossier litigieux aux Etats-Unis remontant à 2006 et concernant des titres adossés à des créances hypothécaires (RMBS), notamment responsables de la crise des subprime en 2008, a-t-elle annoncé jeudi. L'établissement zurichois a conclu le 19 avril devant un tribunal new-yorkais un accord avec une banque américaine pour un montant de 500 millions de dollars (458,4 millions de francs) permettant de couvrir des demandes de 1,3 milliard, selon un communiqué. Credit Suisse ne s'attend à aucune autre charge dans ce dossier. L'accord doit cependant encore être validé lors d'une nouvelle audition. "Cet accord enlève deux des plus grandes expositions restantes de Credit Suisse dans les RMBS", s'est félicité l'établissement dans le communiqué. En février, le numéro deux bancaire helvétique avait indiqué avoir réglé une autre affaire de titres RMBS en versant 600 millions de dollars à MBIA, un rehausseur de crédits avec qui il était en désaccord. Le cas remontait à 2009. Les RMBS sont des instruments financiers adossés à des créances hypothécaires accusés d'avoir largement contribué à l'éclatement de la crise financière de 2008-2009. De nombreuses banques ont été accusées d'avoir induit leurs clients en erreur en leur recommandant ces instruments financiers basés sur des crédits de mauvaise qualité (des crédits notés "subprime"). Lorsque le marché immobilier s'est effondré en 2007, les investisseurs ayant placé leur argent dans ces titres ont subi de très lourdes pertes. (awp)