Faudra-t-il quelques jours ou quelques semaines pour débloquer le canal de Suez? Les efforts se poursuivent vendredi pour dégager un porte-conteneurs de 400 mètres de long coincé depuis quatre jours en travers de cette voie cruciale pour le fret maritime, durement affecté.
La société mandatée pour le "sauvetage" de l'«Ever Given» s'est montrée prudente, évoquant "des jours voire des semaines" pour la reprise du trafic sur le canal qui voit passer près de 10% du commerce maritime international, selon des experts.
Détour de 9000 kilomètres
L'incident survenu mardi et provoqué apparemment par des vents violents combinés à une tempête de sable, selon différentes sources, a entraîné des embouteillages massifs.
Selon la revue spécialisée Lloyd's list, plus de 200 navires sont actuellement bloqués aux deux extrémités et dans la zone d'attente située au milieu du canal, entraînant d'importants retards dans les livraisons de pétrole et d'autres produits, avec une brève répercussion sur les cours de l'or noir mercredi.
Le géant du transport maritime Maersk et l'allemand Hapag-Lloyd ont indiqué jeudi qu'ils envisageaient de dérouter leurs navires et de passer par le Cap de Bonne-Espérance, soit un détour de 9000 kilomètres et 10 jours supplémentaires autour du continent africain.
Or, les coûts globaux sont élevés dans le domaine du transport maritime de marchandises en conteneurs. Selon Lloyd's list, le porte-conteneurs coincé bloque chaque jour l'équivalent d'environ 9,6 milliards de dollars (8,1 milliards d'euros) de marchandises.
«Pénurie de conteneurs»
La Fédération internationale des associations de transitaires et assimilés (Fiata) a réagi hier en exprimant ses inquiétudes quant aux graves perturbations causées par le blocage du canal. «La situation devrait s’aggraver dramatiquement au cours des prochaines semaines», écrit la fédération dans un communiqué. Au vu des détours par le Cap de Bonne-Espérance, «les terminaux connaîtront des embouteillages importants et la forte baisse des arrivées de navires et des décharges de conteneurs dans les grands terminaux aggravera les pénuries déjà persistantes de conteneurs vides disponibles pour l'exportation», prévient-elle. La Fiata s’attend à des retards importants dans les expéditions, une augmentation des coûts et des pénuries de produits, tout en indiquant craindre d’autres effets domino.
Peut-être "des semaines"
Depuis mercredi, l'Autorité égyptienne du canal de Suez (SCA) tente de dégager le navire de plus de 220.000 tonnes.
"Des remorqueurs et des dragues sont utilisés pour briser des rochers", a déclaré à l'AFP une responsable de la société japonaise Shoei Kisen Kaisha, propriétaire du bateau.
Selon la SCA, il faudrait retirer entre 15.000 et 20.000 mètres cube de sable pour atteindre une profondeur de 12 à 16 mètres et remettre le navire à flot.
La SCA a annoncé vendredi que 87% du processus de retrait du sable avait été effectué par les dragues. Une importante marée haute, prévue en début de semaine prochaine, pourrait aider les équipes techniques à débloquer le navire.
Aides internationales
L'Egypte a reçu plusieurs propositions d'aide internationales, notamment des Etats-Unis, selon la SCA.
La Turquie a également proposé d'envoyer un remorqueur pour tracter le porte-conteneurs, une proposition d'aide qui intervient au moment où Ankara s'efforce d'apaiser ses relations avec Le Caire, tendues depuis le renversement en 2013 du président Mohamed Morsi, que soutenait le dirigeant turc Recep Tayyip Erdogan.
Mohab Mamish, conseiller du président égyptien Abdel Fattah al-Sissi en matière portuaire, a indiqué jeudi soir à l'AFP que la navigation reprendrait "dans 48 à 72 heures maximum". Mais quelques heures plus tôt, la société néerlandaise Smit Salvage avait prévenu elle que l'opération pourrait prendre "des jours, voire des semaines".
La société qui exploite le navire, Evergreen Marine Corp, basée à Taïwan, a sollicité Smit Salvage et l'entreprise japonaise Nippon Salvage pour mettre en place "un plan plus efficace" de sauvetage. Les premiers experts sont arrivés jeudi.
Smit Salvage a participé à de grandes opérations de sauvetage ces dernières années, notamment sur le Costa Concordia, navire de croisière Italien qui s'était échoué au large de la Toscane en 2012, et sur le sous-marin nucléaire russe Koursk, qui avait sombré avec 118 hommes en août 2000. (AWP)
Aucune conséquence pour la Suisse
Le blocage du canal de Suez "n'a aucun impact sur l'approvisionnement de la Suisse en biens vitaux, selon l'Office fédéral pour l'approvisionnement économique du pays (OFAE). La situation entraîne des retards à l'échelle internationale dans les chaînes de livraison ainsi qu'un renchérissement temporaire des marchandises transportées, à l'instar du pétrole, dont le cours a bondi.
L'OFAE a écrit vendredi sur Twitter qu'elle suivait de près l'évolution de la situation sur le canal de Suez en Egypte et qu'il n'était pas possible de prévoir la durée de sa fermeture.
#canaldeSuez : le blocage du canal de Suez suite à l’échouage d’un porte-conteneurs n’a pour l’instant pas de conséquences sur l’approvisionnement de la Suisse en biens vitaux. L’#Approvisionnement économique du pays (AEP) suit la situation de près. https://t.co/oI73F3VJvd pic.twitter.com/1x4W7Yx7H5
— WL-AEP-NES (@WL_AEP_NES) March 25, 2021
Dans la «NZZ», vendredi, un porte-parole du groupe logistique Kuehne + Nagel déclarait également surveiller l’évolution du blocage: "Nous suivons de près la situation actuelle au canal de Suez, mais il est encore trop tôt pour tirer des conclusions." La Mediterranean Shipping Company (MSC), basée à Genève, indiquait prudemment: "Les clients dont les marchandises devaient transiter par le canal dans les prochains jours doivent se préparer à d'éventuels changements de programme."
La disponibilité des biens vitaux pour la Suisse n'est pas affectée par ce blocage, a affirmé l'OFAE. Selon l'office fédéral, environ 300 entreprises en Suisse détiennent des réserves obligatoires d'un large éventail de biens vitaux, pour une valeur d'environ 2,5 milliards de francs.
Des retards pourraient encore survenir
Des retards pourraient toutefois encore survenir, selon l'OFAE, et de nombreuses marchandises pourraient être affectées. Environ 10% du trafic maritime mondial passe par le canal de Suez.
Selon l'OFAE, aucun des navires bloqués ne navigue sous pavillon suisse.
Les incertitudes provoquées par le blocage du canal de Suez ont provoqué des fluctuations du prix du brut au cours de la semaine boursière. Pour l'Egypte, le canal est une importante source de revenus: plus de 4 milliards de francs l'an dernier. En 2020, près de 19.000 navires l'ont emprunté. Cette voie maritime a été ouverte en 1869, en plein désert.
Le pétrole se relève de sa chute
Les prix du pétrole étaient en forte hausse après l'ouverture américaine, vendredi, et au terme d'une semaine en dents de scie, tandis qu'une tentative de renflouer le porte-conteneurs bloquant le canal de Suez et gênant l'approvisionnement européen en or noir a échoué.
Vers 16h15 GMT (17h15 HEC), le baril de Brent de la mer du Nord pour livraison en mai valait 64,30 dollars à Londres, en hausse de 3,79% par rapport à la clôture de la veille.
A New York, le baril américain de WTI pour le même mois gagnait 3,98%, à 60,89 dollars.
Une opération visant à renflouer l'«Ever Given», le géant des mers d'une longueur équivalente à quatre terrains de football échoué dans le canal de Suez depuis mardi, "n'a pas réussi" vendredi, a indiqué la Bernhard Schulte Shipmanagement (BSM), compagnie basée à Singapour qui assure la gestion technique du navire. (ATS / 'AGEFI)
Incidents "rares"
Près de 19.000 navires ont emprunté le canal en 2020, selon l'Autorité égyptienne du canal de Suez (SCA), soit une moyenne de 51,5 navires par jour. Selon un rapport de l'assureur Allianz Global Corporate & Specialty sur la sécurité maritime, "le canal de Suez présente un excellent bilan de sécurité dans l'ensemble, les incidents de navigation étant extrêmement rares - au total, 75 incidents de navigation ont été signalés au cours de la dernière décennie". (AWP)