28 septembre 2020, 1h40
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«La Suisse est un pays d’entrepreneurs, un pays où beaucoup de choses sont possibles. On parle souvent du rêve américain, mais le rêve existe aussi dans notre pays. Comme les Etats-Unis, nous avons un cadre fédéral et peu de velléités centralistes. Nous sommes habitués à l’autonomie de notre système politique, tant dans le chef des cantons que dans celui des communes.
Ce cadre est propice à l’entrepreneuriat, tant grâce aux conditions cadres qu’à l’état d’esprit qu’offre notre pays. D’une part, le pragmatisme et la simplicité sont les maîtres-mots de notre réglementation, la flexibilité qui en émerge favorise la création de sociétés, leur développement et leur «agilité», pour prendre un mot en vogue. D’autre part, la mentalité d’entrepreneur naît d’un système d’éducation flexible et d’un environnement social perméable: nombreux sont ceux qui ont dans notre pays commencé par un apprentissage et terminent à de hauts niveaux de responsabilité. Cette ascension se trouve dans de multiples «success stories»: de petites entreprises devenues de grandes réussites.
L’entrepreneur incarne l’économie et lui donne un visage. Il est un relai indispensable pour communiquer au peuple qui se prononce quatre fois par an sur des sujets complexes. Si les Helvètes prennent parfois des positions qui surprennent en dehors de nos frontières en renonçant à réduire leur temps de travail ou à augmenter leurs vacances, c’est qu’ils s’identifient aux entrepreneurs. Ils savent que si ces derniers sont confrontés à des obstacles, cela aura des répercussions sur notre prospérité et nos emplois. Avoir des hommes et femmes entrepreneurs qui exposent leur position est une caractéristique essentielle pour nos débats politiques et économiques.
Si la société qui vous emploie est tentaculaire, vous aurez tendance à réagir face à elle comme face à un Etat-providence. Le cadre de proximité d’une PME permet l’identification et l’épanouissement des collaborateurs. Les multinationales sont aussi des acteurs clés de la prospérité suisse et avec les nombreuses PME qui composent notre paysage économique et industriel, elles équilibrent l’écosystème suisse. Ces deux types d’acteurs se nourrissent l’un l’autre et se complètent que ce soit en matière d’organisation ou d’innovation et par les services qu’offrent les PME et la demande que créent les multinationales.
Par ailleurs, je suis convaincue qu’une volonté d’entreprendre est présente en chacun d’entre nous. Elle se traduit sous des formes multiples: économiques, industrielles mais aussi par un engagement sociétal pour la communauté. L’entrepreneur est partout en Suisse, pays où chacun est bénévole, trésorier, membre d’une association musicale ou d’une équipe sportive. Cette dynamique fonctionne aussi grâce au libéralisme helvétique. Dans d’autres Etats, économie, culture, loisir sont parfois trop centralisés, ce qui entraîne une certaine passivité au sein de la population. Ainsi, notre système libéral nourrit la capacité d’entreprendre des Suisses, en leur laissant suffisamment d’espace pour déployer leur esprit d’initiative et s’impliquer.
Pour que nos entrepreneurs contribuent à s’investir et demeurent motivés à le faire, il faut leur laisser le champ libre. Une augmentation de normes et taxes ou un surcroit de réglementation seront un poids alors que les questions de société essentielles que ce soit en matière de responsabilité ou d’environnement sont déjà prises en compte par les acteurs de l’économie et de la société eux-mêmes et ceci bien plus qu’on ne le dit, en pure tradition de discrétion helvétique.
A l’heure post-Covid où l’économie et plus particulièrement l’industrie de nos Etats voisins sont soutenues massivement par des plans de relance nationaux, il est primordial de laisser à nos entrepreneurs suisses toute latitude de demeurer compétitifs, notamment en leur garantissant un accès libre et sans entrave aux ressources et au marché européens, car notre ambition et notre talent s’exporte bien au-delà.»
Propos recueillis par Sophie Marenne
* CEO d’Apco Technologies et présidente de la CVCI