«L’argent public n’existe pas. Il n’y a que l’argent des contribuables.» La célèbre formule de Margaret Thatcher n’a rien perdu de sa pertinence. Cette parole de l’ancienne première ministre britannique inspire sûrement la nouvelle conseillère fédérale en charge des Finances. Karin Keller-Sutter s’est en effet très vite positionnée comme une gardienne intransigeante de la rigueur budgétaire.
Un budget public, en l’occurrence celui de la Confédération, engage certes les revenus des contribuables. Cependant, plus que jamais, l’obsession de l’équilibrer en tout temps conduit non seulement à des choix absurdes, comme nous le montrons dans notre opération spéciale, mais elle reflète aussi une Suisse en quête de sens et sans autre priorité que le «zéro dette».
La rigueur budgétaire paraît constituer une réponse aux doutes existentiels du pays
Frédéric Lelièvre
Cette rigueur budgétaire paraît ainsi constituer une réponse aux doutes existentiels du pays. Face à sa neutralité incomprise ou à sa gestion contestée de la chute de Credit Suisse, le Conseil fédéral se rassure en misant sur ce qui est perçu comme une valeur constitutive de l’identité suisse, un pays économe modèle.
Ses choix méritent pourtant d’être débattus. Car ils engagent l’avenir du pays. Les impôts viennent bien des contribuables, mais ils financent les dépenses publiques. Or en la matière, et c’est un paradoxe, le budget de la Confédération ne suit guère de logique économique. Il ne s’agit pas de lancer une politique industrielle ou un plan quinquennal qui sentirait bon l’économie planifiée, mais de réfléchir davantage en termes d’investissement ou d’incitation.
Un budget permet aussi de répondre à des questions importantes pour les générations à venir. La Suisse souhaite-t-elle vraiment décarboner son économie? Met-elle tout en œuvre pour susciter l’innovation et l’entrepreneuriat, gages de prospérité future? Ose-t-elle encore faire des choix audacieux? Pour le moment, la réponse à ces trois questions reçoit un zéro pointé.