Nathalie Feingold
NPBA - Fondatrice
14 septembre 2020, 19h33
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La croissance sera-t-elle en U ou en L? Analyser visuellement les données est d’une remarquable efficacité lorsqu’il s’agit d’appréhender des sujets complexes. Loin d’être une invention récente, la visualisation des données (dataviz) est devenue une discipline à part entière. Son développement est lié à l’émergence de données partout, pour tout, et au fleurissement d’outils d’analyse simples et peu onéreux.
Comment voyez-vous la reprise, en U ou en V? A moins que vous n’anticipiez plutôt un L? A quoi ressembleront les courbes de croissance d’ici quelques mois? C’est précisément ce que tentent de prévoir les analystes, afin de donner le maximum de visibilité aux acteurs de l’économie pour qu’ils anticipent au mieux la reprise. Un scenario en V ou en U signifierait que la croissance repart à court (V) ou moyen terme (U). Un scenario en L que la croissance reste au plus bas. Cette image rappelle les méthodes chartistes qui ont leurs théories et principes dédiés à l’interprétation des marchés financiers: la visualisation des cours de bourse permet de déceler l’harmonie ou la logique propre des marchés, et ainsi de prévoir leur évolution. L’intérêt de visualiser les données est d’accroitre la capacité d’analyse à l’ère du big data et de mieux comprendre et représenter notre monde complexe.
Car la dataviz permet d’encoder du savoir de façon synthétique. C’est essentiellement un travail d’analyste qui consiste à sélectionner et agencer des données pour les transformer en un message intelligible et percutant. Le data-ink ratio d’Edward Tufte rappelle qu’une bonne dataviz doit avant tout présenter les données et éviter toute fioriture.
Pourtant, on associe de plus en plus la dataviz au design. C’est une discipline qui se veut belle et inspirante, à l’instar du succès de librairie «Information is beautiful» de David McCandless et de l’émergence de «data artists» dans les entreprises. Certains utilisent même la data comme matériau dans des domaines variés tels que la sculpture ou la musique.
Mais derrière l’esthétique et le design, la dataviz suppose avant tout d’avoir les données adéquates à disposition. Car en effet, visualiser les données est un moyen de s’apercevoir de leur non-qualité ; elles peuvent être manquantes, erronées ou non cylindrées... D’ailleurs, un outlier ou une anomalie se voient tout de suite sur un graphique. Représenter visuellement les données a toujours fait partie de l’arsenal de compétences des analystes. L’émergence de données en masse et d’outils accessibles par le plus grand nombre a permis le développement d’une discipline au croisement de la technique et du design: plus seulement percutants, les graphiques sont aujourd’hui beaux.
Cela ne doit toutefois pas détourner l’attention de ce qui compte vraiment, c’est-à-dire les données sous-jacentes et leur interprétation. S’agissant des prévisions de croissance, U, V ou L permettent d’amorcer la discussion de façon simple et épurée en visant un excellent data-ink ratio. Or, il est possible que les courbes de croissance aient finalement la forme d’un W ou d’un caractère qui n’est pas dans notre alphabet. Un bon graphique vaut souvent mieux qu’un long discours, mais un bon graphique n’est qu’un outil au service de l’analyse et ne dispense en rien de réfléchir.
* Fondatrice npba