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Une rustine sur l’AVS

La réforme soumise au vote populaire le 25 septembre n'apporte pas de solution de fond, voire aggrave la situation financière du premier pilier des retraites. Par Jacques Neirynck

«La méthode politique consiste à brouiller les idées, de façon à modifier un tout petit peu les données du problème, mais sans que personne ne s’en rende compte», souligne Jacques Neirynck.
KEYSTONE
«La méthode politique consiste à brouiller les idées, de façon à modifier un tout petit peu les données du problème, mais sans que personne ne s’en rende compte», souligne Jacques Neirynck.
Jacques Neirynck
Ancien conseiller national
04 juillet 2022, 10h51
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L’objet parlementaire des pensions est une sorte de patate chaude que les partis se refilent, tant l’urgence d’une solution s’impose et plus elle devient introuvable. Dernier avatar en date: le ministre des assurances sociales Alain Berset a défendu l’âge de la retraite à 65 ans pour les femmes en vue de la votation du 25 septembre. Des compensations sont prévues à titre de consolation. Cette réformette impopulaire ne garantit pas la pérennité des pensions mais elle fait croire que l’on s’en occupe.

L’AVS fait face à des difficultés financières et doit être réformée. Le besoin de financement sur les dix prochaines années s’élève à environ 18,5 milliards de francs. Et les tentatives de réforme ont toutes échoué en 25 ans, la dernière fois en 2017.

La méthode de répartition de l’AVS supposait initialement que le rapport entre travailleurs et retraités demeure constant. S’il y a quatre actifs pour un retraité, chaque travailleur doit payer en moyenne une cotisation égale au quart du revenu assuré à un retraité. S’il n’y en a plus que deux, la charge de la cotisation double et devient insupportable. Dans ce cas, le système devient instable et doit être soutenu par d’autres sources provenant de l’argent public, c’est-à-dire des impôts et des taxes, à la charge de tout le monde y compris paradoxalement des retraités eux-mêmes.

La répartition ne fonctionne vraiment que sous deux conditions: la durée de vie ne s’allonge pas; les générations se succèdent sans variation de leur nombre.

Le problème tel qu’il est posé est insoluble. Il faut en changer les données.

Jacques Neirynck

Or, la Suisse traverse une période où la durée de vie se prolonge, trois mois de plus chaque année, tandis que le nombre de naissances est en déficit d’un tiers par rapport au renouvellement des générations. Aucune des deux conditions nécessaires n’est vérifiée.

Le problème tel qu’il est posé est insoluble. Il faut en changer les données. On a le choix entre plusieurs solutions:

-allonger la durée de la vie active;

-relever les cotisations;

-diminuer les rentes;

-introduire dans le système des travailleurs qui ne sont pas nés dans le pays.

On peut tourner l’équation dans tous les sens: le problème reste insoluble aussi longtemps qu’on ne change pas au moins une de ces quatre données, voire un peu chacune des quatre.

Dès lors, la méthode politique consiste à brouiller les idées, de façon à modifier un tout petit peu les données du problème, mais sans que personne ne s’en rende compte.

On continue à payer les pensions mais au rabais:

-en ne compensant pas tout de suite le renchérissement, c’est-à-dire en diminuant le pouvoir d’achat des rentes;

-en augmentant la TVA que les retraités paient aussi.

On n’augmente pas les cotisations, mais on accroît la TVA. Cela revient tout de même à faire payer les actifs par une taxe plutôt que par une cotisation. On taxe aussi les retraités, dont on diminue de la sorte le pouvoir d’achat sans qu’ils puissent protester, puisqu’on ne diminue pas la pension nominale.

Cependant la mathématique finit toujours par se venger: en augmentant la TVA, on renchérit le coût de l’entretien d’un enfant, on dissuade davantage les jeunes ménages d’en avoir et on augmente encore un peu plus le déséquilibre des générations. On aggrave, sans s’en rendre compte, le problème que l’on croyait avoir en partie résolu.