C’était une belle histoire. Alors que la crise de l’approvisionnement battait son plein, des pionniers ont lancé des projets de parcs solaires alpins. Ces installations visaient juste: leur dimension permettait une production significative, surtout en hiver, lorsqu’on a le plus besoin d’électricité. Un an plus tard, la désillusion est au rendez-vous. Malgré une législation taillée sur mesure pour les faciliter, la plupart des projets ont été soit revus à la baisse, soit abandonnés. Entre oppositions, manque de réseau de raccordement ou des délais d’autorisation trop long, les motifs ne manquèrent pas pour décourager les plus motivés.
Cette situation est emblématique du dilemme permanent qui existe dans le domaine de l’énergie et du climat. Dans une ambiance d’urgence, le Parlement légifère et met au point des projets savamment calibrés pour contenter tout le monde et éviter l’échec en référendum. Le douloureux rejet de la loi CO2 a durablement marqué les esprits. Au final, ces législations ont en commun des objectifs très ambitieux, mais un arsenal de mesures peu incisives. En forçant le trait, cela ressemble un peu à une ascension de l’Eiger en baskets et chemise hawaïenne.
Il faudrait ajouter chaque année l’équivalent de la production du barrage de la Grande-Dixence pour atteindre l’objectif 2035.
Dominique Rochat
Prenons la loi sur l’approvisionnement électrique fraîchement approuvée. C’est la clé de voûte de tout l’édifice car il faudra beaucoup d’électricité pour remplacer les énergies fossiles et décarboner la Suisse. De manière cohérente, le Parlement a mis la barre très haut, avec un objectif de production de 35 milliards de kilowattheures d’électricité renouvelable d’ici à 2035 et 45 milliards à l’horizon 2050. Cela veut dire qu’il faudra en 12 ans multiplier par sept la production renouvelable actuelle et par neuf d’ici à 27 ans (hors hydraulique). Plus concrètement, il faudrait ajouter chaque année l’équivalent de la production du barrage de la Grande-Dixence pour atteindre l’objectif 2035.
Avec de telles ambitions, la timidité n’est plus de mise. Les éoliennes doivent pousser comme des champignons et les grandes installations solaires se multiplier, y compris sur les terrains alpins qui s’y prêtent. La loi ne donne pourtant pas une priorité nette à l’approvisionnement sur d’autres intérêts. Elle fera peut-être gagner quelques mois ou années dans les procédures de recours, mais certainement pas assez pour passer franchement à la vitesse supérieure.
Sauf miracle, la déception est pratiquement garantie, tout comme les critiques envers les promesses politiques non-tenues. Il sera bien sûr possible de rectifier le tir au vu des progrès réalisés. Mais à condition que les partis acceptent de bouger leurs lignes rouges et de consentir à des compromis douloureux, que ce soit par rapport à la production électrique dans des zones naturelles, l’interdiction du nucléaire, le soutien à la production ou l’ouverture du marché. Les nouveaux élus auront entre leurs mains les clés qui permettront d’assurer la sécurité d’approvisionnement et d’éviter que de beaux projets se transforment en tristes échecs.