Stéphanie Ruegsegger
FER Genève - Directrice politique générale
15 octobre 2020, 9h21
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Les jeux sont faits. Les syndicats ont gagné leur bataille en faveur de l’instauration d’un salaire minimum à Genève.
Le canton du bout du lac sera donc le quatrième de Suisse à connaître un tel système. Avec cependant quelques spécificités. On est à Genève, quand même!
Tout d’abord, comme le rappelait le quotidien français le Dauphiné Libéré au lendemain du vote, le salaire minimum voté sera le plus élevé au monde. Comme si cela ne suffisait pas, les syndicats plaident pour une entrée en vigueur indexée, qui augmenterait le salaire de près de 40 centimes dès sa mise en œuvre, quand bien même leur campagne portait sur 23 francs tout rond et que l’orthodoxie veut qu’une indexation se fasse généralement au terme d’une première année d’exercice. De toute évidence, la victoire leur ouvre l’appétit.
Là où les syndicats font preuve de davantage de frugalité, pour reprendre un terme à la mode, c’est dans les exceptions: elles sont réduites à la portion congrue. Alors que les autres cantons excluent du champ d’application les jobs d’étudiants, les personnes en réinsertion ou les conventions collectives et les contrats type de travail, Genève les soumet à ce nouveau régime.
Tant pis si des étudiants perdent leur travail d’appoint, si des personnes à la capacité de travail réduite se trouvent exclues du marché du travail et si les universitaires genevois doivent trouver leur stage hors du canton. Le dogme a gagné, et doit être appliqué. Fût-il préjudiciable aux intérêts d’une partie de la population.
Reste à voir comment sera mis en œuvre ce référentiel minimal.
La partie patronale a plaidé pour le pragmatisme, espérons qu’elle soit entendue. Elle entend notamment éviter au maximum que les entreprises locales ne soient pénalisées au profit de celles – hors du canton – qui n’interviennent que ponctuellement à Genève et qui ne sont a priori pas soumises à ce salaire.
Il s’agira également de vérifier quels seront les effets réels de ce minimum sur l’évolution générale des salaires, sur les secteurs et sur les différentes catégories de personnel.
Un observatoire devra donc être mis en place pour tirer les conclusions de cette évolution. Il conviendra également de lutter contre le risque de travail au noir, en appliquant rigoureusement la loi, fédérale comme cantonale.
Enfin, rappelons que l’initiative votée concerne l’instauration d’un salaire minimum conçu comme une mesure sociale. Elle n’est en aucun cas un outil de revalorisation générale des salaires, qui serait contraire au principe constitutionnel de la liberté économique.
Toute tentative allant dans ce sens serait contraire au droit.
* Directrice, politique générale, FER Genève