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Réconcilier le financement du réseau électrique avec la décentralisation

Par Michael Frank

Michael Frank
Association des entreprises électriques suisses (AES) - Directeur
18 juin 2019, 15h30
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Aujourd’hui, les consommateurs contribuent au financement du réseau électrique surtout en fonction de la quantité d’électricité qu’ils en soutirent et non en fonction de la puissance mise à disposition. Cela crée une inégalité entre les auto-consommateurs et les autres, et enfreint le principe de causalité.

En plus, cette distorsion empêche les réseaux de répondre au défi de la décentralisation. Il faut donc impérativement mettre à jour la tarification du réseau en accordant plus de poids au besoin de puissance et en laissant plus de liberté aux gestionnaires de réseau de proposer des modèles tarifaires dignes d’un secteur en pleine dynamique.

Tel un système sanguin, les réseaux électriques exercent une fonction vitale pour alimenter notre économie et société de ce bien précieux qu’est l’électricité. La mise à disposition de cette infrastructure a un coût. Or, les consommateurs paient l’utilisation du réseau principalement en fonction de la quantité d’électricité qu’ils en soutirent, même si l’infrastructure doit toujours être à disposition en cas de besoin. Ceci enfreint le principe de causalité. Déjà inadéquate lorsque la production d’électricité était centralisée, une telle tarification reflète encore moins la réalité actuelle. Cette dernière est marquée par une forte dynamique qui est due à l’augmentation de la production d’électricité décentralisée, au développement de l’auto-consommation et à l’expansion de l’électromobilité. 

Le réseau doit être dimensionné de telle sorte que tous les consommateurs puissent à tout moment en soutirer toute l’électricité nécessaire pour couvrir leurs besoins. Les coûts y relatifs sont principalement générés par les travaux de construction de l’infrastructure, qui sont quant à eux tributaires de la puissance demandée. Or, les auto-consommateurs ne contribuent financièrement au réseau que lorsqu’ils soutirent de l’électricité, alors qu’ils n’occasionnent pas forcément des coûts plus faibles qu’un consommateur «normal». Les prescriptions actuelles faussent ainsi la répartition des coûts et mènent à une désolidarisation aux dépens de ceux qui ne veulent ou ne peuvent s’offrir leur propre installation de production. 

Afin de garantir une prise en charge des coûts du réseau conforme au principe de causalité, la tarification doit se baser sur la demande de capacité et non sur la quantité d’énergie soutirée, tel un abonnement à l’internet à large bande. Le nombre croissant de consommateurs soutirant de fortes puissances mais consommant peu d’énergie, ainsi que le développement nécessaire de l’infrastructure de charge pour l’électromobilité, rendent une tarification basée sur la puissance de plus en plus urgente.

En plus de garantir un traitement équitable entre les consommateurs, une telle tarification pose les incitations appropriées pour permettre une utilisation efficace du réseau. Cela n’est que la conséquence logique de la volonté politique d’évolution vers des structures décentralisées et des solutions d’auto-consommation. La révision de la Loi sur l’approvisionnement en électricité (LApEl) en cours devra enfin faire avancer cette question cruciale pour le fonctionnement optimal du réseau.

Dans ce contexte, il s’agira de trouver un cadre qui laisse aux gestionnaires de réseau la possibilité d’élaborer des tarifs qui tiennent compte de la dynamique et de la complexité croissante du marché de l’électricité. Il est grand temps de réconcilier le financement des réseaux avec la réalité actuelle afin de permettre à ces derniers de répondre de manière efficace aux défis de la décentralisation de la production d’électricité.