L’économie a été la grande absente de la rencontre Poutine-Biden, mais elle sera peut-être la grande gagnante. Et la Suisse, qui jouait placée, y trouvera son compte.
Voici pourquoi. Sur le plan diplomatique d’abord, si le sommet en lui-même n’a débouché sur aucune percée notable, il a permis d’amorcer un dégel entre les deux puissances. Tant Poutine que Biden ont été d’accord là-dessus. Ce n’est pas spectaculaire mais c’est considérable, tant les relations entre les Etats-Unis et la Russie étaient devenus exécrables ces dernières années. L’enchainement des sanctions et contre-sanctions, depuis 2014, avait créé un cercle vicieux dont on ne voyait plus la fin. Or on sait combien le climat des affaires dépend du climat politique.
Outre le rétablissement des relations diplomatiques et le retour des ambassadeurs, les consultations sur la cybersécurité et le désarmement, on peut donc s’attendre à une mise en veilleuse des sanctions économiques, à défaut d’une levée, qui prendra des années. Pour la Suisse, qui abrite les principales sociétés de trading de pétrole et de gaz russe, les sièges des oléoducs Nordstream, qui figure au neuvième rang des investisseurs étrangers en Russie et qui héberge de nombreux desks russes dans les banques privées genevoises, c’est une bonne nouvelle. Guy Parmelin, qui a évoqué les relations économiques lors de son entretien avec Vladimir Poutine, alors que le ministère des Affaires étrangères russes avait publié une note à ce sujet à la veille du sommet, a donc bien su saisir cette opportunité.
Ce sommet aura permis de consolider la Genève internationale dans un moment de faiblesse du multilatéralisme.
Côté américain, les acquis sont moins évidents. Le dossier fiscal a été laissé de côté, ce qui est une bonne chose. Le président de la Confédération a souligné l’intérêt de la Suisse pour un accord de libre-échange avec les Etats-Unis, mais il s’agit d’un projet à long terme. De son côté, Joe Biden a insisté sur la qualité des avions de chasse américains. Mais il pourrait être déçu, tant la Suisse, après l’échec des bilatérales, aurait intérêt à acheter un avion européen, pour des raisons aussi bien politiques que militaires. Elle y aurait tout à gagner dans ses relations avec l’Union, sans affaiblir sa défense puisque cela permettrait de consolider la coopération avec ses voisins les plus proches.
Enfin, ce sommet aura permis de consolider la Genève internationale dans un moment de faiblesse du multilatéralisme. Si la Suisse met à profit cette occasion pour développer un multilatéralisme réellement inclusif, ouvert sur le monde non-européen et non replié sur les obsessions occidentales, alors on pourra sabler le champagne.